Plusieurs thèses ont circulé sur ce petit monument situé au nord de Nice. Si sa construction est attribuée à des légionnaires romains, l’érosion et le vandalisme ont progressivement réduit l’édifice.
La petite pyramide de Falicon continue à perdre ses pierres. A terme, on ne la distinguera même plus. (Photo Patrick Blanchard)
A quelques kilomètres au nord de Nice, sur le territoire de la commune de Falicon(1), une petite pyramide érigée à flanc de colline a de plus en plus de mal à défier le temps.
L’érosion et le vandalisme transforment progressivement en tas de pierres informe ce monument de huit mètres de côté sur six de haut environ, implanté au-dessus de l’ouverture d’un gouffre. Ce qui reste du sommet est très largement dégradé et deux faces sont pratiquement effondrées. Un état d’abandon regrettable car la plupart des experts en la matière s’accordent à dire que la construction remonte au IIe siècle après Jésus-Christ. Certes, de nombreuses thèses ont été émises à son propos. Trop sans doute, ce qui a certainement nui à la crédibilité de sa valeur historique. Certains y ont vu l’œuvre des Templiers que l’on met à toutes les sauces depuis leur " brûlante " élimination par Philippe le Bel. On a parlé aussi d’un centre cultuel des Celtes qui occupaient la région avant la colonisation romaine.
Toutefois, les connaissances acquises sur ce peuple montrent que celui-ci ignorait la forme pyramidale.
Il a quelques années, une thèse a même défendu l’idée que la construction n’avait pas plus de deux cents ans car ce n’est qu’en 1803 que son existence est mentionnée pour la première fois dans un livre signé par un auteur niçois. D’après les tenants de cette version, le bâtisseur était un contemporain de Bonaparte qui avait voulu rendre ainsi un hommage au général devenu Premier Consul après la campagne d’Egypte. Mais on peut alors se demander pourquoi cet homme n’a pas fixé le témoignage de son admiration courtisane en un lieu plus visible et accessible plutôt que dans un coin de campagne, loin des regards.
Le culte du dieu Mithra
En fait, pratiquement tous les véritables spécialistes défendent depuis de nombreuses années l’hypothèse romaine. Le monument aurait été édifié en l’honneur de Mithra, dieu belliqueux conduisant ses adorateurs à la victoire. Une divinité très populaire parmi les légionnaires de l’époque des Césars qui l’avaient connue et " adoptée " au cours de leurs expéditions sur les bords du Tigre et de l’Euphrate où elle sévissait à l’état " endémique "...
Le culte de Mithra se déroulait toujours dans des sanctuaires édifiés à proximité ou à l’intérieur de grottes. Or, la pyramide de Falicon domine l’ouverture d’un gouffre, la grotte dite de " Ratapignata ". Et celle-ci présente bien les caractéristiques des lieux de culte de Mithra : présence de sept marches d’accès (correspondant aux sept degrés d’initiation), existence d’un cours d’eau et une entrée donnant vers le midi.
Reste la question de la forme pyramidale du sanctuaire. " Les légions romaines étaient en partie composée de troupes auxiliaires enrôlées dans les pays conquis, explique le professeur Henri Broch(2), directeur du laboratoire de biophysique à la faculté des sciences de l’université de Nice-Sophia-Antipolis. On peut donc penser qu’il y avait des Egyptiens parmi la garnison de Cemenelum (Cimiez). "
On peut d’ailleurs ajouter à l’appui que le culte de Mithra était particulièrement répandu en Basse-Egypte dans les premiers siècles notre ère.
Plus de mystère donc sur l’origine de la pyramide de Falicon ? Il serait audacieux d’être aussi formel : la thèse " Mithra " comporte, elle aussi, une part trop importante de déductions pour qu’on la considère incontestable.
Toutefois, à l’avenir, on ne pourra ni l’étayer ni en avancer une autre de manière circonstanciée si la pyramide de Falicon continue à se dégrader. Pauvre monument qui continue à maigrir car ses pierres se descellent et sont emportées par des collectionneurs un peu " allumés " ou de simples vandales.
Mais, situé sur une propriété privée, cet édifice n’a jamais fait l’objet d’un classement à l’inventaire du Patrimoine qui aurait permis que des mesures de préservation soient prises.
Une démarche faite en ce sens au début des années 80 par la municipalité de Falicon est demeurée sans effet. Et depuis, plus rien n’a été tenté.
(1) Pour se rendre à la pyramide, monter d’abord à l’aire Saint-Michel où il faut garer sa voiture. Après quelques mètres sur la route conduisant à Falicon, débute sur la gauche le sinueux chemin des Giaïnes qu’il faut suivre durant environ une demi-heure. Le monument est au bout du sentier.
(2) Auteur du livre " La mystérieuse pyramide de Falicon " paru aux éditions France-Empire.
Le site de la "Bauma des Ratapignata", avec la pyramide qui marque l’entrée de la grotte, est situé sur la commune de Falicon jouxtant la commune de Nice. Voici quelques clichés pris par Henri Broch vers les années 1965-1967, 1972 et 1981 qui pourront permettre, en comparant avec l’état actuel, de "mesurer" les dégradations subies par le monument.