Les probabilités sont parfois contre-intuitives.
En voici quelques exemples :
**Le paradoxe de Monty Hall
Dans un jeu télévisé, l’on cache deux chèvres et une voiture derrière trois portes. On demande au candidat de choisir l’une des trois portes. Le présentateur ouvre ensuite une des deux portes restantes, avec pour recommandation de n’ouvrir qu’une porte avec une chèvre. Il demande ensuite au candidat s’il veut changer son choix pour la porte qui reste ou s’il veut rester sur son choix. Le candidat doit-il changer de porte ?
Une première réponse serait de calculer que l’on a une chance sur trois au début du jeu et que l’échange ne changera rien. Si la voiture est derrière la porte, elle restera derrière la porte. Cela ne changera rien de changer de porte.
Une deuxième réponse serait d’oublier la situation d’origine et de s’en tenir au nouveau dilemme : ou bien la voiture se trouve derrière la porte que j’ai choisi, ou bien la voiture se trouve derrière l’autre porte. J’ai donc une chance sur deux. Cela ne changera rien de changer de porte.
En réalité, le candidat aura plus de chances de gagner la voiture s’il change de porte, deux chances sur trois si vous changez au lieu d‘une chance sur trois si vous ne changez pas. Ce résultat est contre-intuitif.
Vous pouvez vérifier avec trois cartes ou trois bouts de papier, un gagnant et deux perdants. Choisissez une carte. Supposons que vous décidez de garder votre premier choix. Vous pouvez la retourner. Recommencez 30 fois et notez les résultats. Vous aurez normalement gagné 10 fois sur 30 résultats (une chance sur trois). Ensuite, recommencez en demandant à un ami de retirer une mauvaise carte. Echangez votre carte contre celle qui reste et retourner-la. Recommencez 30 fois. Vous aurez gagné 20 fois en moyenne. J’ai vérifié.
L’explication est la suivante. Au départ, chaque porte a une chance sur trois de cacher la voiture
3/3 = 1/3 + 1/3 + 1/3
En retirant votre carte, il reste donc deux chances sur trois que la voiture soit derrière les deux portes restantes ; en ouvrant une porte avec une chèvre, il reste donc deux chances sur trois que la voiture se trouve derrière l’autre porte, tandis que la porte du candidat n’a toujours qu’une chance sur trois de cacher la voiture. Le candidat a donc tout intérêt à changer.
3/3 - 1/3 = 2/3 2/3 - 0/3 = 2/3
**Le paradoxe des prisonniers
Trois prisonniers sont dans une prison. Deux seront condamnés à mort, un seul sera gracié. Un des prisonniers s’approche de la grille et parle au bourreau : « Je sais que tu ne peux rien me dire pour moi, mais tu peux me désigner lequel des deux autres prisonniers sera condamné à mort ». Le bourreau accepte et désigne un des deux autres prisonniers. Le prisonnier qui a parlé au bourreau sourit : « Merci. Au début, j’avais une chance sur trois d’être épargné, maintenant j’ai une chance sur deux ».
Est-ce vrai ? En réalité, c’est faux. En faisant cela, il a seulement augmenté les chances de l’autre prisonnier d’être gracié. Le prisonnier qui a parlé au bourreau a toujours une chance sur trois d’être gracié, tandis que le prisonnier qui n’est pas désigné par le bourreau passe de une sur trois à deux sur trois. Explication :
Chaque prisonnier a une chance sur trois d’être gracié à l’origine : 3/3 = 1/3 + 1/3 + 1/3. Le prisonnier qui parle au bourreau a 1/3 d’être gracié.
Il reste deux chances sur trois que l’un des deux prisonniers restants soit gracié : 3/3-1/3 = 2/3.
En désignant un prisonnier à mort parmi les deux prisonniers, le bourreau élimine une des possibilités d’être gracié, celui qu’il n’a pas choisi « hérite » donc à lui seul des deux chances sur trois d’être gracié.
2/3 - 0/3 = 2/3
**Le paradoxe des trois pièces
Si je lance trois pièces, combien de chances ai-je de voir apparaître trois fois la même face ?
Une réponse serait de dire : « Il y a trois pièces et il n’y a que deux faces, il y a donc deux pièces qui tomberont sur la même face. La dernière pièce tombera à son tour sur un des deux côtés. Il y a donc une chance sur deux que les trois pièces tombent sur la même face. ».
Cette réponse est fausse. Il y a une chance sur quatre que les pièces tombent du même côté . Pourquoi ? La première pièce peut tomber sur 2 faces, la deuxième et la troisième idem.
2 x 2 x 2 = 8 possibilités
Les cas où les pièces tombent sur la même face n’apparaissent deux fois : « trois fois pile » ou « trois fois face ».
2/8 = 1/4
**La logique humaine
En somme, il ne s’agit pas de paradoxes mais de problèmes logiques. Si nous nous trompons dans le calcul des probabilités, c’est que notre cerveau ne raisonne pas de cette manière. Comment raisonnons-nous ? Quatre facteurs sont déterminants :
- Nous privilégions une information positive à une information négative : « la voiture se trouve derrière une des trois portes » est plus facilement compréhensible que « la voiture n’est pas derrière deux portes » ou « il est faux de dire que la voiture se trouve derrière deux portes à la fois » ou « il n’y a pas de voiture derrière deux portes »
- Nous raisonnons avec des objets, non avec des probabilités : « une pièce a deux faces, elle a donc une chance sur deux de tomber sur pile » mais j’ai plus de mal à raisonner avec trois pièces, car il ne s’agit pas d’un objet
- Nous tentons de réduire le hasard avec nos connaissances : « si je ne sais pas ce qu’il y a derrière cette porte, j’ai une chance sur deux de me tromper »
- Nous raisonnons à partir de notre point de vue : « si le troisième prisonnier est épargné, nous ne sommes plus que deux prisonniers, j’ai donc une chance sur deux d’être sauvé »
Ces différentes caractéristiques sont utiles à la survie d’un individu dans un monde matériel. Notre manière de raisonner correspond donc à notre manière de vivre. Nos « erreurs de raisonnement » nous servent en réalité à évoluer dans un monde où des objets existent réellement (et non virtuellement) et où des informations sur ces objets sont accessibles à des individus particuliers. Ces « erreurs » nous donnent donc plus de « chances » de survivre si nous évitons de raisonner dans l’abstrait, avec les seules probabilités.
Nous pouvons retrouver la manière dont nous pensons dans la syntaxe d’une langue. L’intelligence verbale n’est pas de la même nature que l’intelligence des mathématiques. Les lettrés ne sont pourtant pas plus intelligentes que les matheux, et inversement, l’un ou l’autre sera plus intelligent selon la matière sur laquelle il exercera son intelligence, selon l’environnement dans lequel il évoluera. Les formes de langage sont autant de logiques différentes, adaptées aux contraintes d’un nouveau milieu : le langage informatique pour les ordinateurs, le langage olfactif pour les fourmis, etc.
Il est probable que si nous rencontrons un jour des extra-terrestres, leur mode de communication sera adapté au milieu où ils évoluent. S’ils évoluent dans un milieu stable, s’ils manipulent des objets et s’ils ne sont pas télépathes, alors nous pourrons nous comprendre. Sans cela, leur manière de penser sera différente de la nôtre et leur langage risque d’être difficile à décrypter…