La première utilisation avérée d’armes biologiques à des fins de génocide date de 1763. En effet, à cette date, les forces armées britanniques offrirent " généreusement " des couvertures à plusieurs villages indiens de l’Ohio. Ces dernières provenaient d’hôpitaux où l’on soignaient des malades atteints de variole. Les Indiens n’avaient jamais été en contact avec ce virus et ils moururent par centaines de milliers, laissant ainsi la place pour une colonisation des terres par des citoyens de Sa Gracieuse Majesté.
Malgré ce précédent, tout au long du 19ième siècle le droit de la guerre prohibait " l’empoisonnement de nourriture, de sources, et d’armes " entre nations civilisées. Les mentalités changèrent durant la 1ière Guerre Mondiale et chaque grande puissance mis alors en place des programmes de guerre bactériologique, officiellement pour se défendre ou se venger en cas d’agression . Des agents pathogènes furent employés tant sur le front (Bacillus anthracis utilisé par les Allemands contre les Russes par exemple) que sur l’arrière (tentative d’utilisation du virus de la morve chevaline par les services secrets français pour abattre la cavalerie allemande).
Ces programmes furent mis en sommeil durant les années 20, mais reprirent de plus belles à la veille de la Seconde Guerre Mondiale où ils ne furent d’aucune utilité, puisque aucun belligérant n’osa les employer. Toutefois, ces programmes ne furent pas de nouveau gelés à la fin du conflit. En effet, le risque de confrontation Est-Ouest était tellement présent que la plupart des pays choisir de financer d’ambitieux programmes secrets de guerre bactériologique…
Nous allons donc nous intéresser aux programmes occidentaux et soviétiques lors de la Guerre Froide, puis aux programmes actuels menés par certains pays du Tiers-Monde ( Irak, Egypte, Taiwan, etc)
I) Les programmes de la Guerre Froide.
**A) les Occidentaux.
Le programme américain
débuta en 1942. Il comprenait une unité de recherche dans le Maryland, une de production dans le Mississipi et une de test dans l’Utah. Des expériences furent menées avec Bacillus anthracis (l’anthrax si vous préférez) et Bacillus suis, mais la contamination accidentelle des environs du site retardèrent le programme. Celui-ci fut vigoureusement relancé lors de la Guerre de Corée avec l’appui de scientifiques japonais ayant travaillé dans la sinistre Unité 731 (ils ont eu le choix : soit être jugés comme criminels de guerre et être pendus, soit travailler avec les américains sous de nouvelles identités). Un nouveau centre ultra moderne au fin fond de l’Arkansas est crée et a partir de 1954, des essais sur animaux furent menés dans des zones désertiques isolées et sur des barges dans le Pacifique. L’année suivante, des " volontaires " humains furent exposés à des aérosols de francisella tutalensis et Coxsiella burnetti, avec des résultats plus ou moins heureux selon les prototypes de combinaisons de protection et de vaccins. En 1958, un essai réel de dissémination est mené dans des villes américaines (New York et San Francisco) à l’aide d’agents non pathogènes afin de valider le concept technique de dissémination par aérosol. A la fin des années 60, les Etats-Unis possèdent un arsenal biologique complet comprenant des agents létaux ( Bacillus anthracis, toxine botulinique, francisella tularensis), des agents incapacitants ( Brucella suis, staphylocoques, encéphalites), et des agents anti-récoltes (germes créant des maladies du blé, avoine, riz, etc). Le 25 novembre 1969, Nixon annonce que les Etats-Unis renonce unilatéralement aux armes biologiques et se limiteront à un programme purement défensif (vaccins, sérums, antibiotiques, combinaisons) tout en détruisant leurs stocks d’agents pathogènes. Ceux-ci sont officiellement tous détruits en 1973. Ce revirement est plus pragmatique que moral : les EU et leurs alliés avait un intérêt évident à prohiber les armes bactériologiques afin de prévenir la prolifération de ces armes de destruction massive " du pauvre " ( le coût de développement étant beaucoup plus bas que celui de l’arme nucléaire).
Le programme anglais
débute dès 1936, stimulé par de faux rapports qui accusaient les Allemands de mener des recherches très poussées (rapports fabriqués par l’armée pour obtenir un gros budget). Le docteur P.Fidles, qui dirigeait le programme, porta son choix sur l’anthrax ,la toxine botulique, et un virus capable de décimer le bétail. En 1941, une bombe à anthrax est testée avec succès sur l’île de Gruinard (interdite d’accès jusqu’en 1990). Après la guerre, l’armée anglaise se dote d’un " centre de recherche biologique " à Porton Down et collabore activement avec l’armée américaine. Le programme anglais est mis en sommeil depuis le milieu des années 60 (époque où l’armée anglaise se dote d’une force de dissuasion nucléaire digne de ce nom).
Le programme français
est le plus ancien : 1921 ! A cette date, la France a peur que l’Allemagne désire prendre sa revanche un jour et un centre secret est crée à Sevran-Ligny (région parisienne) avec un champ d’expérimentation dans un trou paumé du Morbihan. La France s’est intéressée à l’anthrax, la toxine botulinique, et la peste. Le programme français était le plus avancé lors de la déclaration de guerre en 1939. Cependant, faute de moyens financiers, aucune production sérieuse ne fut mise en place. Tous les travaux servirent donc d’abord aux scientifiques allemands, bien moins avancés dans ce domaine (Hitler, gazé lors de la 1ière Guerre Mondiale, ayant opposé son veto aux armes chimiques et bactériologiques). Après la guerre, la France reprend son programme, mais ce dernier pâti financièrement de la priorité accordée au programme nucléaire. Une fois la France dotée de la bombe atomique en 1960, De Gaulle décide de le limiter à son aspect purement défensif.
**B) L’URSS.
Au vue de l’avance américaine dans le domaine, Staline ordonne à l’Armée Rouge de se mettre à niveau. En 1952, un polygone d’essai ultra secret est donc inauguré sur 2 îles de la mer d’Aral et on y étudie une dizaine d’agents pathogènes (anthrax, peste, encéphalite équine, tularémie, typhus, brucellose, toxine botulinique, etc) ainsi que de nombreux vecteurs (bombes, missiles, obus). Les militaires soviétiques commencent à s’intéresser à la production industrielle des agents pathogènes dans les années 60 et créent les sites de Sverdlovsk et Zagorsk. Tout le programme soviétique est sous le contrôle de la 15ième direction du Ministère de la Défense qui emploie 15 000 hommes. Le 8 août 1970, le Politburo décrète un développement de l’industrie microbiologique civile. La même année est crée à Stepnogorsk un immense complexe regroupant les meilleurs laboratoires de recherches civils… et militaires (quel hasard ! lol).
Dans les années 70, les occidentaux ayant (officiellement) arrêté leurs recherches, les soviétiques vont alors prendre une avance considérable. En 1973, une entité nommée " Biopreparat " est crée par le Conseil Scientifique et Technologique de Biologie Moléculaire et de Génétique. Cette entité regroupe plus de 40 centres de recherche et une centaine de sites de production et est activement impliquée dans le programme militaire puisque, sur les 9000 scientifiques, 2000 étaient des spécialistes des agents pathogènes pour l’homme. D’ailleurs, " Biopreparat " était dirigée par des militaires.
Elle possédait 3 sites de stockage d’agents pathogènes et un de stockage des vecteurs. Selon un transfuge passé à l’Ouest dans les années 80, " Biopeparat " avait produit 20 tonnes d’agent de la variole, 25 tonnes d’agent de la peste, plusieurs 100aines de tonnes d’anthrax, … et cherchait à créer une arme biologique quasi parfaite en croisant génétiquement des souches particulièrement virulentes de variole et d’ébola. Cette entité a été dissoute en 1992, mais les services de renseignements américains soupçonnent l’armée russe de ne pas avoir abandonné ses recherches (les services russes ont les mêmes soupçons sur l’armée américaine, soit dit en passant…) et d’avoir regroupé toutes ses activités bactériologiques sur le site de Sverdlovsk, baisse du budget oblige.
II) l’état actuel de la prolifération biologique.
L’Egypte :
Malgré le fait qu’elle est signée la " Convention d’interdiction des armes biologiques ", elle a reconnu posséder de telles armes et est fortement soupçonnée de continuer ses recherches. Ainsi, en 1998, l’" US Arms Control and Disarment Agency " a rappelé que rien n’indiquait que le pays est renoncé à cette capacité.
L’Inde :
Tant la CIA, que le SVR ou la DGSE pense que le pays ne possède pas d’armes biologiques offensives (ce pays possède déjà l’arme nucléaire de toutes façons), mais que le pays gardait l’infrastructure nécessaire pour en produire au cas où.
L’Iran :
Ce pays a débuté un ambitieux programme de guerre bactériologique en 1980 et l’a dissimulé au sein de son industrie pharmaceutique. L’armée iranienne possède des agents pathogènes pouvant être dispersés par obus d’artillerie ou de bombes aériennes et chercherait à mettre au point des ogives biologiques pour les missiles balistiques. Selon la CIA, l’Iran emploierait des anciens employés de " Biopeparat " et achèterait du matériel biotechnologique civil en Russie, puis le convertirait à des fins militaires ensuite. Des sources israéliennes ont prouvé que l’Iran stocke de la toxine botulinique et de l’anthrax.
L’Irak :
Le programme irakien date de 1974, mais son essor ne date que de 1985. A cette date, il obtient un véritable centre, ainsi que des moyens très importants. Des recherches sur des agents particulièrement mortels sont menés (un champignon mangeur de chair humaine, la ricine, la fièvre jaune, la fièvre hémorragique, l’alfatoxine, etc). Entre 1985 et 1990, l’Irak serait parvenu à synthétiser 1500 litres d’Anthrax, 6000 litres de toxines botulinique, et 1850 litres d’alfatoxine. Lors de la guerre du Golfe, l’Irak aurait armé 25 Scud et 100 bombes avec des ogives bactériologiques, et posséderait 2 bombardiers Su-22 avec un système d’épandage aérien d’anthrax. Les autorités irakiennes ont affirmé avoir détruit tous leurs stocks dans les mois qui suivirent le conflit, mais le doute subsiste…
Israël :
Selon un rapport de la DGSE datant de 1994, l’armée israëlienne travaillerait à la construction de plusieurs dizaines de types d’armements biologiques. Le principale institut de recherche militaire serait Nes Ziyyona. Dans tous les cas, Israël possède une solide base biotechnologique civile qui pourrait rapidement être réorientée vers la production d’armes biologiques.
La Libye :
En 1996, la CIA relevait un programme biologique militaire libyen. Ce dernier ne serait qu’à un stade préliminaire pour deux raisons : l’embargo sur le pays qui l’empêche d’acheter du matériel biotechnologique même civil, et la difficulté de fabriquer des vecteurs efficaces. ( Bref la CIA s’auto-congratule de la politique américaine d’embargo).
Le Pakistan :
Plusieurs rapports concordants émis par les services de renseignements occidentaux et russes évoquent l’existence d’un programme biologique militaire pakistanais, apparemment axé sur l’anthrax.
La Syrie :
Elles est fortement soupçonnée de cacher un programme offensif depuis de nombreuses années. Toutefois, comme les libyens, les syriens buteraient sur le problème des vecteurs (mais eux n’ont aucun problème à acquérir du matériel pour fabriquer les agents).
La Corée du Nord :
Ce pays possède un programme biologique depuis les années 60 et ne s’en cachait pas durant la guerre froide. Depuis, plus de nouvelles… mais la Corée du Nord possède les scientifiques et les infrastructures nécessaires pour produire des agents pathogènes et leurs vecteurs.
La Chine :
La CIA place la Chine parmi les principaux proliférateurs et n’hésite pas à affirmer qu’elle dispose d’un énorme programme de guerre bactériologique. Ce programme comprendrait la recherche d’agents pathogènes ou anti-récoltes toujours plus efficaces. La Chine possède en outre des vecteurs très performants (missiles balistiques et missiles de croisière).
Taiwan :
Les services français et allemands soupçonnent Taiwan de dissimuler un programme militaire biologique. Elle a en effet acquis en 1998 du matériel de production suisse ultra moderne pouvant servir à la production d’agents et a renforcé son budget de " protection biologique " ( mais que ce cache t-il derrière cette jolie appellation ?). Bien évidemment, toujours prêt à voler au secours de Taiwan, les services américains dénoncent en bloc ces accusations européennes…