Le Mécanisme Européen de Stabilité : ses enjeux, ses conséquences

vendredi 14 septembre 2012
par  Neimad
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Jeudi 13 septembre 2012, la Cour constitutionnelle allemande a ratifié le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) qui permet à l’UE de recapitaliser les banques en difficulté et d’acheter des obligations sur les marchés primaires et secondaires, autrement dit à entrer dans le capital des banques en faillite, à racheter les "actifs toxiques", comme les subprimes, et à acheter une partie de la dette de certains pays. Cela confirme l’adage énoncé par les partis d’extrême gauche : "Privatiser les profits, nationaliser les pertes".

Les juges suprêmes allemands ont cependant fixé une limite à l’implication financière de l’Allemagne dans le financement du MES, stipulant qu’elle ne devait pas excéder sa part au capital du fonds, soit 190 milliards d’euros.

En cas de dépassement, un nouveau vote du Parlement allemand serait nécessaire.

Le budget prévisionnel de 500 milliards d’euros, pourtant collosal, ne suffirait pas pour renflouer une nouvelle crise de la dette dans le sud européen :

  • 1.949 milliards d’euros pour la dette italienne en avril 2012 [1]
  • 774,549 milliards d’euros de dette espagnole (chiffre qui ne tient pas compte des 100 milliards d’euros prêtés aux banques espagnoles par l’Europe) [2]
  • 350 milliards d’euros pour la dette grecque (bientôt ramené à 243 milliards d’euros par l’abandon d’une partie de la dette par ses créanciers en échange d’une garantie du FESF) [3]

En réalité, ces nombres ne représentent rien en eux-mêmes si on ne les compare pas à la richesse du pays, c’est-à-dire à son PIB. On s’aperçoit alors que la dette espagnole ne représente que 68% de son PIB, tandis qu’elle représente 85% pour la France.

Rappelons que le Pacte de Stabilité de l’UE imposait aux pays ne pas ramener leur dette à 60% du PIB, ce que peu de pays étaient capables de faire, y compris l’Allemagne, dont la dette de 2080 milliards d’euros atteint 81,2% de son PIB. L’Allemagne n’est pas inquiétée par les marchés financiers parce qu’elle possède le plus grand taux de croissance de la zone euro. On comprend dès lors que ce qui est important, ce n’est ni la dette ni le PIB, mais le taux de croissance.

Dès lors, pourquoi mettre en place des politiques de rigueur qui risquent d’handicaper la croissance ? Deux raisons peuvent être trouvées :

  1. L’UE ne croit pas en ses propres capacités de croissance, à cause de la concurrence des pays d’Asie notamment [4]. Elle mise plutôt à faire des économies sur les dépenses publiques.
  2. Les créanciers des dettes publiques européennes le savent et font pression sur les pays de l’UE pour qu’ils épurent leurs comptes.
  3. Certains hauts commissaires européens, en liaison avec les cabinets d’audits et les thinks tanks financés par les multinationales et les fonds de pension américains (pour ne parler que d’eux), veulent profiter de cette occasion pour diminuer le point des Etats dans l’économie des pays (plus de libéralisme), mais aussi dans la politique qu’elle conduise (mise en place du fédéralisme).

En même temps que l’UE se met d’accord sur le MES, Bruxelles donne à la BCE, qui est indépendante, des pouvoirs de supervision (de contrôle) supplémentaires sur l’ensemble des banques européennes, pour éviter de mauvaises surprises sur l’état réel de leurs comptes.

Le président de la Commission européenne, José Emmanuel Baroso, confirme :

(…) rompre le cercle vicieux entre les emprunteurs souverains et leurs banques. Il ne faudrait plus, à l’avenir, que les pertes des banques deviennent les dettes de la population, remettant en cause la stabilité financière de pays entiers.

 [5]

Ce qu’il avoue ainsi, c’est que l’Union européenne, c’est-dire vous et moi, avons gonflé notre dette pour renflouer le secteur bancaire au moment de la crise des subprimes. Celle-ci n’est d’ailleurs pas terminée, car plusieurs banques espagnoles recèlent de nombreux "actifs toxiques" dans leurs comptes.

Par exemple, Bankia, qui possède 32 milliards d’actifs toxiques, va passer son contrôle de l’Etat. Pendant ce temps, un de ces anciens dirigeants, Aurelio Izquierdo, part avec 14 millions d’euros d’indemnités…

A l’inverse, l’Etat espagnol a remis à flot l’Union des caisses d’épargne espagnole, l’Unimm, pour que son concurrent, la BBVA puisse la racheter à 1 euro…

Non seulement les Espagnols ne devraient pas gonfler leur dette publique en achetant de la dette privée (celle des banques) [6], mais l’UE ne devrait pas non plus racheter une dette espagnole somme toute illégitime [7]. Pourquoi le fait-elle, alors ?

Une bonne pensée serait de dire que le rôle des banques est trop important et que l’on veut éviter faillite et licenciements.

Une pensée plus critique - ou plus cynique - montrerait qu’une partie importante de la dette espagnole est détenue par les banques étrangères : 22% par des banques allemandes, à 20% par les françaises, à 17% par les américaines et à 14% par les banques anglaises.

Même chose pour les autres dettes souveraines…

___

Signez le Manifeste pour un humanisme contemporain



[1] Voir http://www.lemonde.fr/economie/arti…

[2] Voir http://www.leparisien.fr/flash-actu…

[3] Voir http://www.lepoint.fr/economie/la-r…

[4] Elle serait de 0% pour la France en 2012. Les partisans de la décroissance auraient-ils raison ?

[5] Voir http://www.bfmtv.com/economie/bruxe…

[6] Selon la doctrine libérale, à l’origine de l’ouverture des frontières, de la libre concurrence, de la construction de l’Europe et du FMI, il y a l’idée que l’économie de marché finit par s’équilibrer si on la laisse faire sans intervention de l’Etat. Dans ce cas, pourquoi ne pas laisser les banques s’effondrer pour assainir le marché de tous ces actifs toxiques ? De même, les entreprises qui ne fonctionnent pas ferment leurs portes ou se délocalisent. Le libéralisme aurait-il tord ?

[7] Voir http://www.lecourrier.ch/99079/et_s…


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