Manifeste pour un humanisme contemporain

vendredi 15 juin 2012
par  Neimad
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N’oubliez pas l’homme ! En Tunisie, en Egypte, en Grèce, en Italie, en Espagne, en Angleterre, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et partout dans le monde, des hommes se soulèvent, indignés, anonymes, un masque blanc sur le visage, un drapeau rouge à la main. Ils occupent l’espace public et appellent au respect de la dignité humaine. L’enjeu, c’est la place de l’homme dans la société.

Le monde fonctionne à l’envers. L’homme est au service de l’économie. Les pays tentent de rassurer les marchés financiers à coup de milliards. Les banques continuent de spéculer sur les dettes des Etats. Ils n’ont plus confiance dans la capacité des peuples à se relever. Il faut des plans d’austérité, il faut des mises sous tutelle, car il faut les sauver d’eux-mêmes. Bientôt, il leur faudra une dictature.

En France, depuis le début de la campagne présidentielle de 2012 jusqu’à maintenant, les hommes politiques répètent un mot : « humanisme ». Il traverse tous les partis politiques : le Modem rédige un « projet humaniste  », l’UMP lance un « mouvement des humanistes » et le Président socialiste « salue les humanistes qui ont permis, aussi, notre victoire ce soir ». Lors de la cérémonie d’investiture à l’Elysée, le 15 mai 2012, il fait référence aux « valeurs d’humanisme » de la France. Les exemples sont plus nombreux encore.

« Humanisme », le mot résonne d’un autre temps. Celui qui l’emploie s’adresse à notre humanité, il veut parler au-dessus des clivages de sexe, d’âge, de catégorie sociale, de religion ou de famille politique. « Humanisme » ressemble à « liberté », « égalité », « fraternité », en cela qu’ils ont été utilisés pendant des siècles, qu’ils se sont usés, qu’ils ont perdu des couleurs, comme des fantômes ou des drapeaux blancs.

Que signifie ce mot pour que les politiques qui souhaitent le ressusciter ? Est-ce un nouvel avatar de la « citoyenneté » ? Une manière de souligner l’importance de l’éducation et de la laïcité ? N’est-ce pas un concept si large qu’il englobe non seulement notre histoire, marquée par la Révolution française, mais aussi celle de la civilisation européenne ?

L’humanisme, c’est une révolution. Une révolution culturelle qui naît au 14e siècle en Italie, qui se répand en France et en Europe. Elle porte des valeurs de laïcité, de démocratie et de tolérance religieuse. Elle donne un rôle nouveau à l’éducation, à la culture, à la science…. Une nouvelle époque est née : celle de la Renaissance.

Qui sont les humanistes ? Pour ne citer que quatre noms : Léonard de Vinci, l’homme universel, à la fois artiste et inventeur de génie ; Pic de la Mirandole, le philosophe qui cherchait à unir les religions, Erasme, pour qui « Le monde entier est notre patrie à tous », Giordano Bruno, qui fut brûlé pour avoir affirmé qu’il existait d’autres mondes habités, et Thomas More, enfin, qui inventa le mot « utopie »…

Aujourd’hui, le mot « humanisme » ressurgit, alors qu’on le croyait perdu dans un livre d’histoire. Les signataires de ce manifeste proposent de fonder un humanisme pour notre époque, un humanisme contemporain.

Nous, humanistes du 21e siècle, partageons les valeurs suivantes :

1. la confiance en l’homme et dans ses possibilités ;

2. l’importance de l’éducation, de la formation, de l’art, de la connaissance historique et de la vulgarisation scientifique ;

3. l’ouverture à l’autre, à sa culture et à sa religion ;

4. la capacité de l’homme à explorer des voies nouvelles, à trouver des solutions au niveau local, à développer des technologies propres, à entreprendre et à décider par lui-même ce qui est bon pour lui ;

5. la capacité des hommes et des femmes à s’unir, à s’associer, à s’investir dans le bénévolat ou dans l’humanitaire pour créer un monde meilleur, une Cité des hommes ;

6. le respect de la dignité humaine, qu’il s’agisse des enfants, des personnes seules, des personnes homosexuelles, des personnes issues de l’immigration, des personnes en situation de handicap, des personnes incarcérées, des personnes sans emploi, sans-papiers ou sans domicile fixe, que ce respect s’exprime dans les domaines de l’emploi, du logement, de la justice, de la santé, de la bioéthique ou de l’accompagnement des personnes en fin de vie ;

7. la volonté d’assumer ses responsabilités à l’égard de son environnement, des autres espèces animales et des générations à venir.

Ce manifeste s’inscrit dans la continuité de tous les manifestes humanistes, du manifeste du collectif Democracia Real Ya, de l’appel de Sol-Syntagma, des trois manifestes de l’American Humanist Association, etc. Il se veut cependant d’une portée nouvelle :

En signant ce manifeste, je m’engage à réaliser une action concrète, dans ma vie privée, mon travail ou mon organisation, d’ici la fin de l’année 2012, pour mettre en œuvre une ou plusieurs des valeurs humanistes.

Je me place à la suite de la longue file des humanistes à travers l’histoire : Pétrarque, Léonard de Vinci, Jean Pic de la Mirandole, Erasme, Thomas More, Guillaume et Joachim du Bellay, François Rabelais, Giordano Bruno, Ambroise Paré, Pierre Gassendi, Baruch Spinoza, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, David Hume, Emmanuel Kant, Thomas Jefferson, Nicolas de Condorcet, Olympe de Gouges, Abraham Lincoln, Jeremy Bentham, Albert Schweitzer, Bertrand Russel, Jean-Paul Sartre, Antoine de Saint-Exupéry, Théodore Monod, Emmanuel Mounier, Albert Camus, Pierre Bourdieu, Martin Luther King, Coluche, l’Abbé Pierre, Cheikh Anta Diop, Aimé Césaire…

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Ce monde est à nous, changeons-le !


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Commentaires

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mardi 11 septembre 2012 à 00h54 - par  Neimad

Un autre manifeste humaniste dans le secteur des soins :

"Pétition Manifeste pour une pratique humaniste auprès des sujets dits autistes et de leur famille"

http://www.petitionpublique.fr/?pi=…

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mercredi 25 juillet 2012 à 01h05 - par  Neimad

De même, dans le Hors-Série du Nouvel Observateur sur "Les grandes civilisations racontées par les plus grands maîtres", la célèbre égyptologue Christiane Desroches Noblecourt raconte l’histoire d’un magicien qui refuse de satisfaire le désir du Pharaon ("couper la tête de quelqu’un et la recoller") afin de protéger les esclaves ("il est dit qu’on ne touchera jamais au bétail de Dieu !"). Et Mme Desroches Noblecourt de conclure :

Il n’y a pas un pays dans la haute Antiquité qui aurait été capable, non seulement de le dire, mais d’affronter le patron. Voilà ce qu’est l’Egypte ancienne, le berceau du premier humanisme du monde !

(in Nouvel Observateur HS n°1 juin-juillet 2012, coll. Les essentiels, sur "Les grandes civilisations racontées par les plus grands maîtres", L’Egypte, par Christiane Desroches Noblecourt, p. 31)

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mercredi 25 juillet 2012 à 01h04 - par  Neimad

Dernièrement, le magazine Le Point, présentait dans son numéro de juillet 2012, p. 75, une rétrospective sur le sociologue John Dewey (1859-1952). Plusieurs citations étaient encadrées, dont la première :

Ce qui l’humanisme signifie pour moi est une expansion et non une contraction de la vie humaine, une expansion dans laquelle la nature et la science de la nature se sont faites servantes consentantes du bien humain.

( in Le Point, Numéro 2079 - 19 Juillet 2012, Culture - Idées : John Dewey, philosophe du pragmatisme, pp. 74-75)

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