« Humanisme » sera le mot de 2012. Il aura en effet été employé par les différents candidats au moment des présidentielles et des législatives françaises de 2012.
**L’humanisme de François Hollande au moment des présidentielles
Le terme est officiel. François Hollande rappelle les "valeurs d’humanisme" lors de la cérémonie d’investiture à l’Elysée, le mardi 15 mai 2012 :
La France est une nation engagée dans le monde. Par son histoire, par sa culture, par ses valeurs d’humanisme, d’universalité, de liberté, elle y occupe une place singulière. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen a fait le tour du monde. Nous devons en être les dépositaires et nous situer aux cotés de toutes les forces démocratiques du monde qui se recommandent de ses principes.
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Lors de son discours du 6 mai 2012 à Tulle, pour fêter sa victoire, le Président saluait les socialistes et les "humanistes" :
Là, au moment où je vais l’exercer, je salue aussi la force politique, le mouvement que j’ai dirigé. Je suis socialiste, j’ai toujours voulu le rassemblement de la gauche, mais plus largement le rassemblement des républicains et je salue les humanistes qui ont permis aussi notre victoire ce soir.
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Il avait déjà utilisé ce terme dans une interview avant les élections donnée au Pellerin Magazine (n°6750) au mois d’avril :
Je crois aussi à l’idée de mérite. Il sous-entend un effort qu’il faut toujours encourager. La société doit accompagner cet effort. Est-ce une valeur ? C’est ma forme d’humanisme.
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Dans le même article, Jean-Luc Mélenchon utilisait trois fois le mot « humanité », ainsi que celui de "dignité" [4].
Le terme "humaniste" avait été employé à la même période par Nicolas Sarkozy. Il avait réagi à l’annonce de la mort du réalisateur Claude Miller le 4 avril 2012 en le décrivant comme un « véritable humaniste » [5].
S’il fallait remonter à la première mention du mot "humanisme" dans le discours d’un candidat, ce ne serait ni M. Hollande, ni M. Sarkozy qu’il faudrait citer, mais François Bayrou qui a définit l’humanisme comme "un projet à part entière" dans son discours de clôture du 11 février 2012 :
Si l’on me demande en un mot, un seul mot, de dire quel est le but ultime de la société que nous voulons construire, je répondrai « humanisme ». L’humanisme est un projet à part entière. Il considère que la personne humaine, dans son émancipation des aliénations qu’on lui impose, dans sa liberté, dans la reconnaissance qu’on lui doit et qu’elle doit aux autres, dans son bien-être, dans sa capacité créatrice, est l’horizon des sociétés dans lesquelles il vit (...). C’est pourquoi nous pensons qu’humanisme signifie en même temps liberté et solidarité.
(...) La liberté et la solidarité sont donc les fruits de politiques, décidées en commun, soutenues, encouragées et parfois conduites directement par la puissance publique. La France est ce pays, qui sous le nom de République, a fait de l’humanisme son idéal national.
Nous allons montrer que l’humanisme ne se divise pas ! Nous allons montrer que l’humanisme sait se battre ! Nous allons réarmer l’humanisme comme force de combat.
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AGENDA 2012/2020, discours de clôture, réponse à... par bayrou
Le concept était à ce point investi par le Modem qu’il avait rassemblé ses propositions dans un livret de 52 pages intitulé : "Le projet humaniste". L’intérêt de cette utilisation politique est que l’humanisme est décliné en propositions concrètes [7].
**L’UMP et le Modem reprennent le terme d’humanisme au moment des législatives
Le terme "humanisme" a aussi été utilisé comme slogan par plusieurs candidats aux législatives, tels que François Pinte, le président de l’UMP 44 :
« Nous voulons préserver un modèle de développement qui ne laisse aucun citoyen, aucun territoire au bord du chemin. Voilà l’humanisme auquel nous sommes attachés ».
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Philippe Fintoni, candidat du Modem aux législatives en Loire-Atlantique répond à François Pinte refuse que l’UMP s’approprie le concept :
Derrière François BAYROU nous présentons un projet de société qui se résume en un mot, l’humanisme : mettre au centre de nos préoccupations, non pas l’argent ou l’Etat, mais l’humain. (...) Les humanistes que nous sommes, refusons de faire des citoyens en situation de faiblesse, les responsables des mauvais choix des gouvernants. M. Boennec et ses amis de l’UMP ne font plus illusion. Et se déclarer "droite sociale ou humaniste" quand leurs déclarations et leurs actes vont à l’opposé serait faire preuve d’un grand cynisme et de peu de respect des électeurs.
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**Raffarin lance "le mouvement des humanistes"
Jean-Pierre Raffarin a annoncé la création d’un "mouvement des humanistes" au sein de l’UMP le 2 mai 2012 :
Je peux vous annoncer que ma famille politique, qui est celle des humanistes de l’UMP, nous allons nous organiser en mouvement et nous allons répondre à cet appel de la diversité (...). Il y a une droite populaire, elle est légitime, elle est républicaine, mais il y a aussi des humanistes. Dans la vie politique, et notamment pour les législatives, il faut qu’on puisse trouver cette sensibilité de l’UMP qui est diverse.
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Cela est confirmé le 7 mai par le sénateur Alain Foucher qui appellait à « se recentrer sur les valeurs humanistes et sur la valeur travail » [11].
Le député Michel Grall, du Parti Radical, rejoint le mouvement et explique :
Mardi 12 octobre 2011, avec 108 collègues parlementaires, dont nos amis du Parti Radical, nous avons lancé le mouvement des humanistes de l’UMP, sous l’impulsion de Jean LEONETTI et de Marc LAFFINEUR.
Notre objectif est de remettre l’homme au cœur des préoccupations, d’aller vers une solidarité renforcée, vers plus de tolérance, d’assurer le respect de la laïcité, de défendre notre projet européen et la vocation internationale de la France.
Nous soutenons l’action du Président de la République. Nous sommes clairement à l’intérieur de l’UMP et allons dès les prochaines semaines apporter notre contribution au projet de la majorité présidentielle.
Le terme d’humanisme, après avoir été galvaudé par les différents partis politiques, permet ainsi à certains parlementaires de tenter une ouverture sur la gauche. L’UMP s’était en effet divisée lors des présidentielles après qu’une partie de ses membres, la "droite populaire" dont parlais Raffarin, avait tenu des propos d’extrême-droite, sur l’immigration notamment, afin de séduire les électeurs du FN [12]
**Les relations entre l’humanisme et la politique
Les mots "humanisme" ou "humaniste" ont permis aux candidats de s’adresser à tous les hommes, sans différence de sexe, d’âge, de catégorie sociale, de religion ou de parti politique. En réalité, cette référence permettait de dépasser le cadre des élections présidentielles pour s’adresser aux hommes des autres nations [13], de leur indiquer le rôle de la France dans l’histoire du monde. C’est pourquoi elle accompagnait systématiquement chez François Hollande une référence à la Révolution française, qu’il s’agisse de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (discours du 15 mai) ou à la devise de la République française (discours du 6 mai).
Le Président de la République française parlait des "valeurs de l’humanisme" sans préciser quelles étaient ces valeurs. Celles-ci peuvent-elles être nommées ? Ou s’agit-il d’une démarche plus globale, d’une philosophie en somme ?L’humanisme était un mouvement intellectuel et culturel qui se répandit en Europe autour du 15ème siècle ? Le "mouvement des humanistes" lancé par l’UMP a-t-il cette prétention ?
Pour certains, l’humanisme s’oppose à la pensée marxiste : la référence aux "valeurs" de l’humanisme serait une façon de masquer les véritables problèmes, les inégalités sociales et le diktat des marchés financiers... Pour d’autres, la défense des valeurs humanistes prennent l’importance d’un devoir de mémoire : elles créent des liens plus forts, dans toute l’Europe, que l’internationale ouvrière, d’invention plus récente [14].
Enfin, qui sont les humanistes auxquels se réfèrent les politiques ? Des députés, des sénateurs, des militants ? Les "valeurs de l’humanisme" doivent-elles être portées par des partis politiques, qu’il s’agisse du PS, de l’UMP, du Modem ou du Front de Gauche ? A l’époque des Lumières, les "humanistes" auraient pu désigner les Franc-Maçons, parce que les loges maçonniques ont favorisé les échanges entre les intellectuels [15]. Qui sont les humanistes de notre époque ? Ne serait-ce pas à la société civile de s’emparer de ce concept et de le faire vivre ?
Dans un article au titre prophétique, "Penser un nouvel humanisme", le philosophe Vincent Cespedes avait lancé un premier appel, encore un peu confus, en 2009 :
(...) il faut, selon moi, insister sur une révolution de pensée qui prennent en compte beaucoup plus de questions esthétiques, de poésie, de joie de vivre, de valeurs différentes, avec l’envie d’inventer une société différente, en créant du lien avec les gens, en respectant l’autre, et la nature autour de soi. Un peu de rêve, quoi !
Il y a là un nouvel humanisme à penser. Comme on pale de l’Internet 2.0, je rêve de penser les "Lumières 2.0" pour penser le monde globalisé d’aujourd’hui.
[16]
Les propos étaient encore un peu confus, mais l’idée et les enjeux étaient déjà présents. Il s’agira pour nous, membres de Projet 22, de lancer un nouvel appel, apatride et apolitique, pour refonder un humanisme contemporain.
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Ce monde est à nous, changeons-le !