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Les textes fondateurs des droits de l’homme

mardi 3 juillet 2012, par Neimad

Une petite histoire des droits de l’homme :

1222 : la Charte du Manden ou Charte de Mandé serait la première Charte des droits de l’homme du monde. Elle aurait été énoncée par Soudjata, le souverain et fondateur du Mali. Ce texte proclame l’égalité et le respect de toute vie humaine, dont la définition englobe tous les peuples. D’un principe simple et d’une définition de l’homme, le texte induit une liste de conséquences, que l’on pourrait appeler des interdits ou des droits humains, à l’instar des commandements bibliques (ne pas causer de tord à son prochain, veiller sur ses parents, éduquer ses enfants...). Le texte refuse la faim et interdit l’esclavage. Etant proclamée par un roi, elle a valeur d’effet immédiat et c’est le Mali tout entier qui met fin à l’esclavage en 1222 :

Chacun dispose désormais de sa personne, chacun est libre de ses actes, chacun dispose désormais des fruits de son travail. Tel est le serment du Mandem à l’adresse du monde entier.

1689  : Déclaration des Droits (Bill of Rights) du Royaume-Uni : elle résulte du révolte du peuple dans un contexte de famine, de hausse d’impôts et de guerre de religions [1]. Cette déclaration a eu pour effet de calmer le peuple et d’instaurer une monarchie constitutionnelle. Le pays du Roi Soleil n’a pas bénéficié de pareilles concessions, ce pourquoi le peuple français a fini par décapiter son roi.

1776  : Déclaration d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique. Elle déclare l’indépendance des 13 colonies américaines à l’égard de l’Angleterre, après une guerre d’indépendance aux côtés des Français qui dura près de 8 ans [2]. La Déclaration comporte un passage intéressant, dans l’esprit du philosophe des Lumières John Locke :

La prudence enseigne, à la vérité, que les gouvernements établis depuis longtemps ne doivent pas être changés pour des causes légères et passagères, et l’expérience de tous les temps a montré, e n effet, que les hommes sont plus disposés à tolérer des maux supportables qu’à se faire justice à eux-mêmes en abolissant les formes auxquelles ils sont accoutumés.

Mais lorsqu’une longue suite d’abus et d’usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future.

1788  : Constitution des Etats-Unis : elle est organisée autour de la séparation des pouvoirs (exécutif, judiciaire et législatif), tel que cela avait été réfléchi par Rousseau dans le Contrat social (1762) et avant-lui Cicéron dans la République (écrit entre 54 et 51 av. J.-C.). Le Premier amendement est particulièrement célèbre :

Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre.

1789  : Déclarations des droits de l’homme et du citoyen : il s’inspire de la Déclaration de l’indépendance américaine de 1776 et marque la fin de l’Ancien Régime.

La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, même si elle est postérieure à la Constitution des Etats-Unis et à la Déclaration d’indépendance, est un texte majeur dans l’histoire de la pensée et de la liberté parce qu’elle a imposé l’idée d’universalité des droits de l’Homme. Le fait que nous nous soyons toujours inspirés de la Déclaration de 1789 crée entre la France et les droits de l’homme un lien historique et affectif continu.

- Robert Badinter, ancien ministre français de la justice.

1946  : Préambule de la Constitution du 27 octobre 1948 : il s’agit du préambule de la Constitution de la IVe République de l’Etat français. Elle est explicitement citée dans le Préambule de la Constitution de la Ve République, en vigueur depuis 1948 :

Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.

1948  : Déclaration universelle des droits de l’hommesignée par les 58 Etats membres de l’Assemblée générale des Nations unies. L’ONU comporte aujourd’hui 193 Etats membres. L’un des principaux effets de cette Déclaration est d’avoir fait reculer la peine de mort dans de nombreux pays, même si ce n’est pas explicitement interdit par le texte [3].

2000  : Charte européenne des droits fondamentaux Le texte émane de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, signée par 40 Etats, dont la première version date de 1970. L’article premier de la Charte traite de la dignité humaine :

La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée.

2012  : Manifeste pour un humanisme contemporain : il ne s’agit pas d’un Préambule ou d’une Constitution, mais les valeurs humanistes sont formulées de la même manière que les droits de l’homme dans les textes précédents. Les valeurs de l’humanisme ne sont guère différentes de celles des Lumières.

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Ce monde est à nous, changeons-le !

Notes

[1] Le roi Jacques Stuart a voulu convertir son pays au catholicisme alors que celui-ci était protestant

[2] A cette date, le Canada appartenait toujours aux Anglais. Il faudra attendre 1931 pour que les dominions du Canada, de l’Irlande et de l’Australie soient déclarés indépendants de la juridiction britannique (statut de Webminster).

[3] Les articles 3 à 6 se rapprochent de cette interdiction en soulignant le droit à la vie, en interdisant la torture et en reconnaissant la "personnalité juridique" de chaque personne.

2 Messages de forum

  • Les textes fondateurs des droits de l’homme 27 novembre 2012 20:30, par humberto

    Les textes fondateurs ? Fondateurs ? Le Bill of Rights n’a pas empêché l’élite britannique de pratiquer l’esclavage, la traite et même le justifier moralement. Et je ne parle même pas de l’exploitation des ouvriers dans les mines, industries etc. La déclaration etatsunienne ? "Tous les hommes sont nés égaux". Oui, mais pas les nègres, esclaves pour la plupart, et les femmes bien sûr. La déclaration française de 1789 ? Le droit de vote accordé aux propriétaires (toujours rien pour les femmes), pendant que la loi Le Chapelier interdisait aux ouvriers de s’organiser pour se protéger de la rapacité de ces premiers capitalistes. La déclaration de l’ONU ? Les Etats-unis sont intervenus à travers le monde pour empêcher aux peuples de faire leurs choix. Donc 4 millions de morts en Corée, autant au Vietnam, les morts de Cambodge collé au dos de ces Khmer rouges - le tapis de bombes US sur le pays n’a tué que très peu, croyez-le, bonnes gens. Plus près de nous, l’Iraq, la Palestine. Le pillage de l’USSR et les autres pays de l’est - des dizaines de milliers de femmes de l’est prostitués à l’ouest, des centaines de milliards de dollars de fuites de capitaux. Oh la liberté, liberté chérie ! Ca, je crois que c’est Louis Aragon. mais il ne serait surement pas d’accord avec vous !

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  • Je vois ce que vous voulez dire, humberto : les textes des droits de l’homme ne sont pas toujours appliqués par ceux-là même qui les signent, ce sont des bonnes intentions, voire même de l’hypocrisie...

    Dans ce cas, d’où vient la morale ? De la religion ou d’un humanisme profondément ancré dans l’être humain ? Est-ce qu’on naît naturellement bon ? Je dirais plutôt qu’on apprend aux enfants à respecter la parole de l’adulte et des enfants enfants, qu’on apprend les règles du vivre-ensemble et oui, qu’on apprend à devenir des êtres sociables, à respecter non pas seulement ceux qui nous ressemblent mais tous les êtres humains.

    Certaines personnes ont désiré formuler leurs idées par écrit et les partager avec d’autres. Cela ne veut pas dire que tout le monde va devenir "gentil" et que les Bisounours vont enfin régner sur la terre :’-)), mais on peut espérer que ceux qui liront ses textes seront amenés à réfléchir à ces idées, à se positionner pour ou contre...

    En tout cas, cela permet de donner de la substance à certains mots, comme ceux de liberté et d’humanisme, utilisés dans n’importe quel sens par les politiques. C’est à partir de ces textes, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’ONU, que l’on peut essayer de faire bouger les choses auprès des pays signataires de l’ONU (parmi lesquels la Chine et la Russie...), sans quoi aucun dialogue ne sera possible et l’on n’aura pas plus avancé.

    J’en veux pour preuve la reconnaissance - quoique tardive - de la Palestine comme un "Etat observateur" par l’ONU, c’est-à-dire comme un Etat à part entière, même s’il ne fait pas encore partie des pays de l’ONU. Voilà un moyen juridique de faire avancer la cause palestinienne. Cela n’aurait pas été possible sans la reconnaissance du droit des peuples à s’autodéterminer...

    Quand un traité de paix est bafoué, trahi, faut-il accuser le traité de paix ou ceux qui ne l’ont pas respecté ?

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