Le mécanisme d’Anticythère

jeudi 11 novembre 2010
par  syagrius
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En 1900, des pêcheurs d’éponges découvrent l’épave d’un navire romain, à 42 mètres de profondeur, près de la côte nord de l’île grecque d’Anticythère. Parmi les nombreuses amphores, statues en bronze et en marbre, ils ramenèrent des pièces de bronze corrodées, enchâssées dans les restes d’une boîte en bois qui ne sera pas conservée.

JPEG - 92.9 ko Le plus gros fragment du mécanisme exposé au Musée archéologique d’Athènes

L’ensemble mesure environ 21 centimètres sur 16 pour 5 d’épaisseur. Une fois dégagées de leur gangue de calcaire et de corail, les inscriptions permettent de dater l’ensemble vers 80 av.J.C., ce qui est en accord avec l’âge des divers objets domestiques retrouvés,en dépit de la plus haute antiquité de certaines des statues.

JPEG - 82.2 ko Fragment du mécanisme exposé au Musée archéologique d’Athènes

Les roues dentées et les graduations font penser tout d’abord à un astrolabe et il est référencé comme tel au musée d’Athènes n°15987.

JPEG - 69.6 ko Fragments du mécanisme d’Anticythère au Musée archéologique d’Athènes

Dans les années 1950, selon le professeur Derek de Solla Price, le mécanisme serait une machine ingénieuse qui capable de déterminer le temps sur la base des mouvements du soleil et de la lune, leur relation (éclipses) et les mouvements des autres étoiles et des planètes connues à cette époque.

JPEG - 43.6 ko Fragments du mécanisme d’Anticythère

Vers les années 2000, Mike Edmunds, astrophysicien, et Tony Freeth, à la fois mathématicien et cinéaste, se sont beaucoup dépensés depuis six ans pour étudier cet objet énigmatique. Avec l’assistance de XTec, une société britannique, ils ont mis au point un tomographe à rayons X spécialement conçu (et pesant douze tonnes !) puis ont fait appel à HP, qui avait auparavant développé une méthode pour analyser les inscriptions cunéiformes gravées dans la pierre.

JPEG - 25.6 ko Reconstitution du Mécansime d’Anticythère. (Musée archéologique d’Athènes)

Les conclusions ont été présentées lors d’un colloque à Athènes et publiées dans la revue Nature. Ainsi le mécanisme a pu être en partie reconstitué. Mis en mouvement par une manivelle (ou peut-être un système hydraulique), il ne peut pas faire office d’horloge. En revanche, les mouvements de ses aiguilles reproduisent le mouvement du Soleil et de la Lune avec une précision surprenante. La partie la plus spectaculaire se compose de deux disques superposés mais légèrement décentrés, l’un entraînant l’autre. A cause du décalage des deux centres, un mouvement régulier du disque entraîneur produit un mouvement irrégulier de la roue entraînée. Cette variation de vitesse reproduit exactement les accélérations et les décélérations du mouvement apparent de la Lune selon qu’elle est plus proche ou plus éloignée de la Terre. Cet instrument permet ainsi de prédire le mouvement du Soleil et de la Lune et par exemple de prévoir les éclipses. Les auteurs soupçonnent, mais sans pouvoir le prouver, que ce mécanisme reproduit aussi le cycle de quelques planètes.

Une autre étude en 2006 confirmant les analyses de celle de 2000 mais avec quelques nouveautés, notamment celle que le mécanisme etait aussi une horloge. L’un des grands engrenages donnait le cycle de Méton, ou cycle métonique, de 235 mois lunaires, soit, à deux heures près, 19 années solaires. Au terme de ce cycle, les lunaisons reviennent aux mêmes dates de l’année. Les chercheurs ont pu décrypter les inscriptions gravées et ont découvert qu’il s’agissait des noms des douze mois. En contradiction avec des études antérieures, il s’avère que leur origine est corinthienne. Ces noms étaient utilisés dans les territoires du nord et de l’ouest, à Corinthe bien sûr mais aussi en Sicile, en l’occurrence à Syracuse. Or, c’est à Syracuse que vivait le grand Archimède, un siècle plus tôt certes, mais dont l’héritage scientifique a été transmis aux générations suivantes. Jusque-là, les soupçons portaient plutôt sur Hipparque, l’astronome qui vivait à Rhodes, d’où provenait le navire transportant le mécanisme avant de sombrer devant Anticythère.

Autre étonnement est que l’une de ses roues ne matérialise pas, comme on le pensait, le cycle calliptique de 76 ans (quatre fois le cycle de Méton). Il suivait un cycle de quatre ans, calé sur les jeux Panhelléniques et en particulier Olympiques.

Ainsi nous sommes faces d’un mécanisme extrêmement ingénieux qui est à la fois est une horloge certainement annuels indiquant aussi la date des Jeux Olympiques mais aussi indiquerait les éclipses et d’autres mouvement de certaines planètes.

Comment un tel mécanisme a été élaboré ? Certainement un génie qui aurait mis un point un mécanisme et notamment le le cycle de Saros, de 223 lunaisons, soit un peu moins de 19 ans, qui détermine le retour d’éclipses aux mêmes périodes de l’année. Une mécanique dont le principe a été oublie pendant des siecles.


8 votes

Commentaires

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samedi 28 décembre 2013 à 09h26 - par  Neimad

Selon l’émission passée sur Arte le 15 décembre 2013 [1], la machine serait l’invention isolée d’Archimède (282-212 av. J-C.), reculant ainsi la datation de l’appareil d’une centaine d’année. L’hypothèse s’appuie sur l’existence d’autres astrolabes à la même époque et sur le "génie" qu’il fallait pour fabriquer une machine aussi précise.

A aucun moment n’est posé la question de la manière dont l’horloge astronomique était actionnée : par un ressort moteur (ce ne sera inventé qu’au 15e siècle), par un système de balancier comme les pendules de nos grands-parents (dans ce cas, quel intérêt de miniaturiser le système ?), par un système de sablier ou de clepsydre (l’utilisation de l’eau conviendrait bien à Archimède, mais cela ne semblait pas intégré au mécanisme) ?

Peut-être des objets appartenant à des collections privées ou dormant actuellement dans les sous-sols du Louvre ou de Vatican, pour ne citer qu’eux, pourraient nous permettre de vérifier émise par les chercheurs ? Invention isolée d’un génie en avance sur son époque ou preuve d’une science plus développée que l’on imaginait pour l’époque ?

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jeudi 5 décembre 2013 à 19h03 - par  remadi

Bonjour Syagruis

Une méca­nique dont le principe a été oublie pendant des siecles,
cela me semble douteux.

19/4=4.75 (4.75/4=1.1875)
1.1875x12=14.25
14.25x76=1083
1083/19=57
14.25x19=270.75x12=3249
3249/19=171
3249/76=42.75
42.75x12=513
171 - 57=114
513 + 114=627

Merci

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mercredi 27 novembre 2013 à 19h19 - par  Neimad

Un article sur la machine d’Anticythère vient de paraître dans le S&V n° 1155 de décembre 2013 : on y apprend beaucoup de choses intéressantes, notamment le fait qu’il s’appuie sur plusieurs cycles astronomiques connus dans l’Antiquité :

  • le cycle de Méton : le calendrier lunaire rejoint le calendrier solaire tous les 19 ans, aussi appelé Nombre d’or (sans lien avec le fameux Nombre d’or connu des mathématicien)
  • le cycle de Callipe : un cycle lunaire-solaire de 76 ans (pour rendre compte d’un décalage de 0,12 seconde par jour, Callipe de Cyzique au retranché 1 jour tous les 76 ans, soit 4 cycles de Méton)
  • le cycle de Saros : 223 ans entre deux éclipses lunaires

On remarquera l’importance d’ajuster le cycle solaire au cycle solaire et la durée de certains cycles (223 ans !). Pour les Grecs de l’antiquité, il ne faisait pas de doutes que le monde était harmonieux. Il était régi par des nombres entiers et des cycles (c’est aussi pourquoi le nombre pi énerve les mathématiciens, car il semble infini).

Certains noyaux de rouages de la machine d’Anticythère étaient mobiles, ce qui permet aux cycles d’accélérer ou de ralentir, afin de reproduire le mouvement elliptique des planètes (pour les Grecs, le système solaire n’était pas héliocentrique, avec le Soleil au centre, mais géocentrique, avec la Terre au milieu). Ce système, nous explique S&V, est inédit en horlogerie.

La machine d’Anticythère était probablement le produit d’une industrie sophistiquée, capable de produire des pièces de bronze de 1 mm… L’absence d’autres machines de ce type pose des questions aux historiens. Des textes grecs ou latins parlaient-ils parfois de ces machines avec un terme qui aurait été mal interprété par les traducteurs ? C’est possible, mais personnellement, cela me semble douteux, car le terme d’astrolabe (du grec "astrolabos") était déjà connu. L’existence de cet artefact reste pour l’instant un mystère pour la science et les historiens…

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dimanche 21 novembre 2010 à 02h12 - par  temps

Quand il cherche à imiter son Dieu, l’homme n’a pas de limite, même pas celle qui lui fait perdre son humanité en reprenant la forme apparente de la variation du soleil pour modéliser le monde.
Cordialement

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samedi 13 novembre 2010 à 01h26 - par  Neimad

Merci Alaric pour ta participation,

Pour compléter, on peut écouter le postcast sur le site de Ciel et Espace, enregistrement d’une conférence donnée le 8 novembre 2008 par le physicien Yannis Bistakis, lors des 6es Rencontres du Ciel et de l’Espace, organisées par l’Association Française d’Astronomie.

Pour écouter le postcast, tapez "anticythere" sur la page suivante : http://www.cieletespaceradio.fr/ind…

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samedi 13 novembre 2010 à 01h05 - par  Alaric

Une horloge permettant de calculer la position des astres à une date donnée doit être utile en astrologie. Or à l’époque astrologie et astronomie étaient liés…

Selon le site de Futura-Sciences, l’objet serait plus vieux d’une centaine d’année, soit -150 à -200.

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