vendredi 8 août 2014
La nouvelle est tombée aujourd’hui : Edward Snowden restera trois ans de plus en Russie. Rappelons les faits : inculpé en 2013 d’avoir diffusé plus d’un millions de documents classifiés secret défense, il avait montré que l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) espionnait les Internautes et les utilisateurs de téléphone portable à grande échelle. Grâce au programme de surveillance PRISM notamment, les Etats-Unis collectent directement sur les serveurs près de 100 milliards de données par an, ce qui n’est pas sans rappeler le réseau Echelon dont les centres d’écoute pour l’Europe se situent en Angleterre.
Les citoyens américains ne sont pas les seuls concernés, puisque tous les pays du monde sont concernés par ces écoutes, en passant des bureaux de l’Union européenne jusqu’en Chine. En juin 2010, les Etats-Unis ont également espionné le ministère français des Affaires étrangères [Lire l’article du monde du 1er septembre 2013 : La NSA a aussi espionné la diplomatie française], passant outre les dispositifs de sécurité, et l’ambassade français à Washington. La récente affaire de mise sur écoute du téléphone portable de la chancelière allemande n’est qu’un exemple de plus...
On connaît l’aspect intrusif des renseignements américains depuis la guerre froide, qui avait amené le président Richard Nixon a démissionné (c’est le fameux scandale du Watergate). Il aliment les théories du complot, l’impression que le gouvernement cache quelque chose à ses citoyens, comme pour le crash de Roswell. En permanence tentée par le repli sur ses frontières, les Etats-Unis perçoivent régulièrement des menaces extérieures pour leur équilibre : si le prix du pétrole a déterminé pendant longtemps la politique des Etats-Unis a l’égard du Moyen Orient, l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center en 2011 a relancé une certaine paranoïa. Le Patriot Act adopté par Bush a élargi les activités du renseignement américain, contournant parfois la loi comme pour l’interrogation de personnes suspectées d’appartenir au réseau terroriste d’Al Quaida sur la base cubaine de Guantamo (donc en dehors de la juridication américaine).
Suite à ces révélations, Edward Snowden était activement recherché par les Etats-Unis. Réfugié à Hong Kong, puis en Russie en 2013, il vient d’obtenir un permis de séjour de 3 ans, jusqu’en 2017. Il pourrait même devenir citoyen russe en 2018 ! La guerre froide est terminée, l’ex-URSS et les Etats-Unis collaborent sur les projets spatiaux, mais une certaine défiance persiste concernant les questions de politique étrangère (Syrie, Israël...). Les tensions nées du vieux 20e siècle n’ont pas toujours pas disparues, le monde n’est pas toujours pas pacifié.
Edward Snowden a eu le courage de révéler au monde ces agissements contraires au droit international et au respect de la sphère privée. Il espérait probablement alerter les populations contre un éventuel risque de "Big Brother", il amènera sans doute les Etats à investir plus sûrement dans la sécurité pour éviter les fuites. En effet, tous les gouvernements ont des renseignements généraux (appelés autrefois "services secrets") et pratiquent l’espionnage (pour des raisons politiques ou industrielles). Tous les Etats qui disposeraient des mêmes moyens que les Etats-Unis feraient sans doute de même. C’est une question de réalisme politique. Tant que les Etats seront en concurrence les uns avec les autres, ils défendront leurs intérêts contre ceux des autres.
Peut-on souhaiter la mise en place de plus larges partenariats et d’un gouvernement mondial ? Certes, il n’y aurait plus besoin d’espionnage entre les Etats, mais les citoyens ne trouveraient plus de pays extérieur pour s’extrader s’il rentrait en désaccord avec le dit gouvernement. Pensons à Voltaire et à Rousseau, obligés de s’exiler à Angleterre pour leurs opinions politiques. La pluralité est peut-être une question de liberté [Une autre solution serait de donner un pouvoir plus étendu à l’ONU et de faire disparaître le droit de véto obtenu par les plus "grands" au sortir de la deuxième guerre mondiale. Le vote pourrait rester proportionnel au poids des Etats et provoquer un débat public sans être avorté par le risque de véto.].
Ce monde est à nous, changeons-le !
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