Planètes extrasolaires : nouvelles clés, nouveaux défis

lundi 24 janvier 2011
par  Neimad
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Compte-rendu de la conférence « Planètes extrasolaires : nouvelles clés, nouveaux défis », le 19 janvier 2011 au Muséum d’Histoire Naturel de Nantes, par Mme Anne-Marie LAGRANGE, de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble, astrophysicienne, directrice de recherche au CNRS et coordinatrice du programme national sur les exoplanètes, sur l’invitation de la Société d’Astronomie de Nantes.

 Chronologie


1984 : détection d’un disque de poussière autour de l’étoile Beta Pictoris, illustrant la manière dont notre système solaire se serait formé, il y a 4,4 milliards d’années

1995 : découvert de la première planète extrasolaire autour de 51 Peg (constellation du Pégase)

2000 : une dizaines d’exoplanètes identifiées

2011 : plus de 519 exoplanètes identifiées.

 Problématique


Quelles sont les planètes détectées ? N’y a-t-il que des géantes gazeuses ? Tous les systèmes solaires sont-ils identiques ? Les découvertes réalisées depuis une quinzaine d’années ont montré une grande diversité de systèmes solaires.

 Vocabulaire


UA = distance terre-soleil (Jupiter est à 5 UA du soleil)

1 M Jup = 1 fois la masse de Jupiter (317,8 fois celle de la Terre) Disque d’accrétion : disque de poussière où se forment les planètes au début de la vie d’un système solaire

Zone habitable = distance de la planète à l’étoile dans laquelle l’eau – s’il y en a – serait à l’état liquide (plus près de l’étoile, elle serait à l’état gazeux ; plus loin elle serait à l’état de glace)

 L’accélération des découvertes est liée à l’utilisation de nouveaux moyens de détection


La découvert de 51 Peg en 1995 est liée à l’utilisation d’une nouvelle technique de détection, de même que les deux boom de 2002 (on est passé de 19 planètes par an à 29 par an) et celle de 2007 (on est passé de 29 par an à plus de 100…).

Le rythme est actuellement d’une nouvelle planète détectée tous les trois jours, si bien qu’Anne-Marie Lagrange disait ne pas connaître le nombre exact de planètes : « Je n’ai pas regardé mes mails ce matin ».

 Les méthodes de détection


  1. La méthode radiale
  2. La méthode des transits
  3. L’imagerie



1) La méthode radiale


Le mouvement des planètes perturbe le mouvement de l’étoile. Le cycle de cette perturbation correspond à la révolution de la planète autour du son étoile, soit 8 cm/s. sur un an pour la Terre, et 13 mètres/s. sur 12 ans pour Jupiter. Cela implique d’avoir des moyens de détection assez précis et d’observer les étoiles sur un cycle entier. Les planètes majoritairement détectées seront donc celles qui seront les plus massives (perturbation importante) et les plus proches de l’étoile (cycle court).

51 Peg, la première exoplanète détectée, l’a été avec ce moyen. Ses caractéristiques sont les suivantes :

0,47 M Jup 0,05 UA Révolution de 4,2 jours


51 Peg a réservé une surprise. Cette exoplanète est vingt fois plus proche de son étoile que nous sur Terre. Il s’agit pourtant d’une géante gazeuse. Il s’agit du premier « Jupiter chaud ». Les astrophysiciens ne pensaient pas qu’une géante gazeuse pouvait se trouver aussi près de son étoile, étant donné les théories sur la formation des systèmes solaires. L’explication la plus probable est que celle planète se soit rapprochée de son étoile après sa formation dans le disque d’accrétion.

La majorité des exoplanètes détectées sont des géantes gazeuses de type 51 Peg, ou ce qu’on appelle des « superterre » étant donné leur masse (2 à 15 masses terrestres).

Les systèmes solaires détectés s’avèrent de plus en plus complexes. On découvre souvent plusieurs planètes là où l’on a commencé à en détecter une. En 1998, par exemple, on avait détecté une exoplanète autour de l’étoile GI876. En 2000, on en détecta une de plus. Même chose en 2005 et en 2010, pour un total de 4 exoplanètes. Les systèmes détectés sont le plus souvent multiplanétaires.

Certaines exoplanètes sont à la limite de la zone habitable.



2) La méthode des transits


La méthode par transit consiste à détecter la variation de luminosité d’une étoile quand une planète passe entre l’étoile et nous. La variation de luminosité est très faible et soumis à la période la révolution de la planète autour de son étoile (comme pour la méthode radiale). Ainsi, en comparant avec la luminosité de notre soleil, l’éclat varierait de 1% tous les 12 ans pour une masse identique à celle de Jupiter, et de 0,01% tous les ans pour une masse identique à celle de notre Terre.

Cette méthode a permis également de déterminer le contenu de géantes gazeuses (en rapprochant sa taille de sa distance à l’étoile centrale, on obtient sa masse ; or le rapport de la taille à la masse permet de déterminer le contenu de la planète, l’hydrogène étant par exemple plus léger que le métal). Cela a permis de montrer leur variété : les géantes gazeuses ne possèdent pas les mêmes rapports en hydrogène et en éléments lourds.

Grâce à cette méthode, on a peut détecter sur HD189733b (« b » pour dire « première planète après l’étoile »), une planète de 1,15 M Jup, de l’eau et du dioxyde de carbone, des éléments nécessaires à la vie, mais la température à sa surface est estimée à 1700 degrés Kelvin, soit plus de 2000 degrés Celsius !

L’utilisation de la méthode des transits par le satellite CORO n’a duré que quelques mois. Il ne pouvait donc détecter que les planètes à courte période.


3) L’imagerie


La technique de l’imagerie est actuellement la moins efficace des trois méthodes de détection, mais elle permet d’étudier les atmosphères des planètes et de détecter des planètes dans des systèmes solaires qui ne pouvaient pas être atteints par la méthode radiale (le système solaire doit être de biais par rapport au nôtre) ou par la méthode des transits (le système solaire doit être de face par rapport au nôtre). Plus directe, cette méthode a l’avantage de pouvoir détecter des signatures de vie (atmosphère, couleur et surface de la planète).

La difficulté consiste à « capter » l’image d’une planète à l’intérieur de la lumière de l’étoile. Pour donner un exemple, la proportion est de 1/100 000 pour la luminosité de Jupiter par rapport à celle du Soleil, et de 1/5 millions pour celle de la Terre. Cette difficulté est accentuée par la réfraction de la lumière dans l’atmosphère. Plusieurs solutions ont été trouvées pour contourner le problème :

  1. L’optique adaptative (tous les gros télescopes en sont équipé), une invention française, à l’origine utilisée par les satellites espions pour observer la surface terrestre au travers de l’atmosphère
  2. L’utilisation de télescopes spatiaux
  3. La coronographie (l’utilisation d’un cache au milieu de la lentille)


La technique de l’imagerie, associée à l’optique adaptative, technique a permis de détecter des planètes dans le disque d’accrétion de Beta Pictoris (constellation du Peintre) et dans le disque de Fomalhaut (constellation du Poisson).

 Biais méthodologiques


Tous les téléscopes cherchent des exoplanètes autour d’étoiles jeunes, dispersées dans l’espace et proches de nous.

La plupart des exoplanètes détectées sont des géantes gazeuses car elles sont plus faciles à détecter avec nos moyens actuels. Les planètes trop petites (de la taille de la Terre) ou trop éloignées de leur étoile (avec des périodes de révolution trop longue) restent donc invisibles.

De même, les tâches solaires perturbent nos moyens de détection. Avec la méthode radiale, par exemple, Il est difficile de dire si les fluctuations de lumière sont dues à l’activité solaire ou la perturbation causée par le passage d’une planète. Or, les tâches solaires sont liées à l’âge des étoiles. C’est pour cela que les astrophysiciens détectent majoritairement des étoiles jeunes, avec des planètes encore chaudes, où le système solaire est en train de se former (jusqu’à 10 millions d’années maximum). Il est donc difficile de détecter un système solaire avec une étoile comme la nôtre (4,6 milliards d’années), qui se caractérise par une activité solaire intense.

En se polarisant sur des planètes similaires à la nôtre (eau à l’état liquide, dioxyde de carbone), on n’envisage pas la possibilité que la vie se soit développée à partir du soufre ou du méthane, dans la glace ou dans les fonds marins (remarque personnelle)

 Evolution de la recherche


Les systèmes solaires étant le plus souvent multiplanétaires, on continue à accentuer les recherches sur les étoiles déjà étudiées, Avec les nouvelles méthodes utilisées, on découvre des planètes de plus en plus petites. En 2012, un nouveau téléscope sera installé au Chili (VLT/SPHERE), à la place du téléscope actuel (VLT/NACO, 8,20 m. de diamètre). Un autre projet était prévu pour 2014 (JWST) mais un retard est déjà programmé. En 2020, un énorme téléscope de 42 m. de diamètre devrait voir le jour (ELT ou Extremely Large Telescope). Un téléscope spatial du nom de SPICES était également prévu mais le projet ne verra pas le jour pour des raisons financières.

Les programmes européens sont en compétition avec les programmes américains. A noter que les Français se distinguent notamment par la forte activité des astrobiologistes (réponse donnée par Mme Lagrange à une question que je lui ai posé à la fin de la conférence), les astrophysiciens qui étudient les possibilités d’une vie extra-terrestre, en particulier sur Titan (satellite de Saturne) et Europe (satellite de Jupiter).

La recherche future se tourne vers la détection de planètes de la zone habitable et ensuite vers la détection de traces de vie. Cela a été posé par Mme Lagrange comme une évidence.

A l’heure actuelle, une vingtaine d’exoplanètes semblables à la Terre a été détectée, des exoterres, ainsi qu’une liste de candidates potentielles. Selon Mme Lagrange, ce « secret est très bien gardé ».

Hier encore, nous disait-elle, on riait à l’idée de rechercher des exoplanètes. Maintenant que l’on en détecte régulièrement, doit-on s’étonner que les astrophysiciens recherchent des traces de vie ?

 Question du public


Tous les systèmes solaires possèdent –ils des planètes ? Est-ce la norme pour une étoile d’avoir des planètes ?

Réponse de Mme Lagrange : 80% des étoiles sont des naines brunes. 20% des étoiles restantes sont semblables à notre soleil. La moitié d’entre elles possèdent plusieurs planètes (10% de géantes gazeuses et 40% de planètes), soit 10% des étoiles, « ce qui est déjà énorme ».


Pour rappel, la Voie Lactée comprend 100 milliards d’étoiles. Il n’y aurait donc, dans notre seule galaxie, "que" 10 milliards de systèmes solaires semblables au nôtre… Au total, il y aurait 70 mille trillions d’étoiles dans l’univers, soit 7 suivi de 22 zéros, en ne comptant que les étoiles de l’univers visible (c’est-à-dire sans parler de la matière noire). A noter que les naines brunes sont exclues du calcul alors que l’on a déjà détecté des planètes autour…

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Le monde est étrange, vous ne trouvez pas ?



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mardi 20 janvier 2015 à 15h29 - par  Noor

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