C’est en 1969 que les conclusions du célèbre Comité Condon furent déposées. Elles déclenchèrent chez les ufologues une tempête de commentaires excessifs qui visaient à faire passer pour une vaste supercherie cette étude réalisée par un panel de scientifiques dirigés par un savant renommé.
Lorsqu’on parcourt aujourd’hui le gros volume que l’on nomme habituellement le "Rapport Condon", on est surpris de constater à quel point le panel réussit en peu de temps à acquérir une vaste connaissance du phénomène ovni qui ne manquait nullement de perspective. Ainsi le rapport avait-il déjà pointé, bien avant les ufologues, la manière dont certaines lueurs géophysiques pourraient être un jour considérées comme à l’origine de certains phénomènes ovnis.
Le rapport du professeur Condon et de ses collègues sonna le glas de toutes sortes d’études ou de commissions officielles du genre, tant aux Etats-Unis que dans la plupart des autres pays du monde. La cause semblait entendue : les phénomènes réputés d’origine "alien" par les ufologues s’expliquaient dans leur écrasante majorité par des méprises et n’offraient, pour le reste, aucun intérêt véritable au point de vue du progrès de la recherche scientifique ou de la Défense.
Cette conclusion, jugée parfaitement fondée par la majorité des scientifiques qui lurent le rapport ou en examinèrent les pièces, n’a évidemment jamais satisfait les ufologues dont l’argument principal resta toujours que le Comité Condon n’avait expliqué que ce qui était explicable et avait laissé de côté des tas de faits mystérieux.
Les années passèrent et, hormis le soutien de quelques scientifiques marginaux ou dévoyés, les ufologues continuèrent à "étudier" les ovnis totalement en dehors de la sphère du monde scientifique. L’histoire de la naissance et de l’évolution du GEPAN, en France, illustre la chose : créé par la volonté d’un homme qui croyait aux ovnis, il ne fournit jamais d’autres résultats que le reflet des certitudes ou des hésitations de ses dirigeants successifs jusqu’à ce que la seule décision logique finisse par être prise : livrer au public les archives afin que chacun puisse se faire une idée. Ce processus est actuellement en cours...
Compte tenu du nombre d’ovnis qui continuaient à défrayer la chronique populaire et de prétendues "vagues" qui auraient submergé certains pays, ici et là, de nouvelles enquêtes officielle furent diligentées. L’une d’elles, c’est certain, fut réalisée par des scientifiques soviétiques, mais on ne sait pas grand chose de son contenu, sinon que les conclusions furent une fois encore négatives quant à l’évidence possible d’une origine "alien" des ovnis. Entre 1996 et 2000, le Ministère de la Défense britannique commanda une évaluation sur les ovnis à un expert, et ce, dans le plus grand secret.
Deux britanniques, le professeur David Clarke et son collègue Gary Anthony, finirent par en entendre parler et agirent par tous les moyens légaux dont ils disposaient pour obtenir une copie de cette étude. Ils obtinrent enfin gain de cause au printemps 2006 grâce à une loi sur la liberté de l’information assez semblable à celle qu’utilisèrent bon nombre d’ufologues américains pour obtenir qu’on déclassifie pour eux des quantités de documents officiels jusque-là tenus secrets.
Non seulement le rapport fut communiqué aux impétrants, mais la Défense le mit aussitôt en ligne sur internet afin qu’il puisse être complètement téléchargé par toute personne intéressée. L’événement se produisit à la mi-mai 2006.
L’étude britannique, rédigée par un expert anonyme et qui est surnommée "Rapport Condign" se compose de quatre volumes dont voici la description.
Le premier volume, daté comme les autres de décembre 2000, est assez mince et est intitulé Unidentified Aerial Phenomena in the UK Air Defense Region : Executive Summary. Une première remarque s’impose d’emblée : la Défense britannique préfère utiliser le terme "phénomène aérien non identifié" et le sigle correspondant UAP plutôt que le classique UFO qui a aujourd’hui, dans les milieux scientifiques et militaires, une forte connotation ridicule. Comme le titre du premier volume du Rapport Condign l’indique assez clairement, il s’agit là d’un résumé succinct des autres volumes, dressé à l’attention des lecteurs n’ayant pas l’occasion ou le temps de parcourir ceux-ci. Qu’y lit-on, en bref ?
1°) Que dans la plupart des cas les UAP ne sont que des objets artificiels ou des phénomènes naturels parfaitement connus que des observateurs de bonne foi n’ont pu identifier correctement pour diverses raisons.
2°) Que certains UAP sont des prototypes avec lesquels le public n’est forcément pas familiarisé
3°) Qu’il n’y a pas d’indice que les UAP puissent être à la fois intelligemment contrôlés et avoir une origine exotique
4°) Que certains UAP pourraient être des phénomènes naturels physiques encore mal définis dont il serait sans doute précieux de tenir compte en ce qui concerne le trafic aérien.
Ce dernier point semble être le seul qui puisse suggérer que des études scientifiques utiles, d’un genre bien précis, pourraient être menées sur un certain type d’UAP
Le second volume, défini comme étant le premier volume de l’étude proprement dite, est sous-titré "Main Report". Cela indique clairement qu’il s’agit là du corps principal du rapport d’étude.
Le troisième volume, de loin le plus épais et défini comme étant le second de l’étude, est sous-titré "Information on Associated Natural & Man-Made Phenomena". Il comporte toutes sortes d’informations scientifiques ou techniques sur des phénomènes naturels ou des objets artificiels qui peuvent être pris pour des UAP. Il est rempli de tableaux, de cartes, de schémas et de photographies.
Le quatrième volume, aussi mince que le premier et qui est défini comme le troisième de l’étude, est sous-titré "Miscellaneous Related Studies". Il contient des informations techniques "sensibles" touchant la sécurité du territoire et le trafic aérien commercial ou militaire. Ce dernier volume, plus que les autres, a évidemment été expurgé de toute information susceptible de porter atteinte à la Sécurité ou à des personnes.
Dès sa sortie, ce que l’on appellera sans doute désormais le "Rapport Condign" (Condign n’étant pas le nom de son rédacteur ou de son inspirateur) a suscité de nombreux commentaires sur des listes de discussions animées par quelques ufologues-internautes. Les arguments habituels de ces derniers n’ont pas manqué d’être évoqués. On a reproché à ce rapport de n’avoir examiné en détail aucune observation ufologique solide pour se contenter de généralités. On a aussi reproché au rapport de lancer une sorte de théorie nouvelle susceptible d’expliquer toutes sortes d’ovnis sans apporter le moindre élément solide pour en démontrer le fondement. On a même dit que l’auteur avait repris une vieille idée abandonnée de Philipp Klass ou avait fait la même erreur que lui en la proposant comme susceptible d’expliquer une masse d’ovnis inexplicables autrement. On a dit que ce rapport contient beaucoup de redites, un certain nombre d’erreurs ou d’imprécisions et qu’il témoigne en fait d’une formidable ignorance des arguments favorables aux ovnis. Bref, à en croire certains ufologues, ce rapport, plus encore que le rapport Condon, serait totalement inconsistant, voire mensonger.
Laissons hurler les loups et examinons de plus près ce rapport...
Et d’abord disons ce qu’il est ou plutôt ce qu’il n’est pas ; car cela peut épargner déjà pas mal de divagations !
Le Rapport Condign a été réalisé par une seule personne au départ d’une documentation qui comportait à la fois des informations auxquelles tout-un-chacun peut avoir aisément accès et d’autres qui étaient sans aucun doute restreintes à certains milieux et organismes secrets ou militaires. C’est ainsi, par exemple, que l’auteur semble assez bien informé sur certaines des découvertes faites par les soviétiques et les chinois dans le domaine des masses plasmoïdes qui pourraient être prises pour des ovnis.
Ce rapport est un travail d’expert et non une étude scientifique. Il y a là une énorme différence. Un expert est chargé d’évaluer une situation ou un phénomène au départ d’analyses statistiques et logiques basées sur une ample documentation dont il doit s’être assuré de la qualité intrinsèque. En aucune manière il ne peut être confondu avec un enquêteur de terrain ni surtout un scientifique analysant et interprétant des données récoltées sur le terrain en vue d’identifier ou non un phénomène. Autrement dit, il existe une hiérarchie des compétences qu’il importe de comprendre pour ne pas tout mélanger comme le font encore une fois les ufologues. Au niveau premier, il y a des enquêteurs de terrain. Ce sont des policiers, des techniciens, des membres des services secrets etc... qui recueillent des informations et interrogent des témoins. Au second niveau, il y a des scientifiques ou au moins des techniciens spécialisés qui vérifient la cohérence des données accumulées, pour ensuite les analyser en vue de fournir une interprétation rationnelle des phénomènes rapportés. On sait que toutes les commissions d’enquêtes qui ont vu le jour depuis 1947 ont reconnu l’existence d’un "résidu" inexplicable, mais que toutes ont également considéré que c’était le manque de données sérieuses ou correctes qui avaient fait que ces cas peu nombreux n’avaient pu recevoir d’explication valable. Enfin, à un troisième niveau, on trouve le ou les experts qui, sur base des travaux scientifiques et techniques dont ils disposent et dont ils ont vérifié le sérieux, proposent une sorte d’évaluation du phénomène en termes généraux. Cette évaluation ne sert qu’à guider des responsables-décideurs divers quant à la manière d’agir ou de réagir en cas de "crise", une crise pouvant être, dans le domaine qui nous occupe ici, l’affirmation qu’un ovni est signalé ici ou là.
Le Rapport Condign est un rapport d’expertise destiné à guider des décideurs politiques, militaires ou autres quant à leurs responsabilités dans leurs domaines ; il n’est en aucun cas une étude scientifique destinée à fournir des données nouvelles au monde universitaire ou dans les milieux privés ou militaires dans lesquels s’effectuent des recherches scientifiques et techniques. Néanmoins, il n’est pas exclu que des chercheurs de ces milieux puissent trouver dans le Rapport Condign des idées intéressantes susceptibles de les guider vers de nouvelles recherches, comme par exemple celles relatives aux plasmoïdes.
Ces précisions étant données, on voit bien que certaines des critiques soulevées par les ufologues sont totalement déplacées et ridicules ! Ils ne comprennent pas plus la hiérarchie des compétences que les prétendus ovnis sur lesquels ils travaillent sans résultat scientifique depuis si longtemps... ce qui en dit long, déjà, sur l’intérêt véritable de leurs "recherches".
J’ai dit ce que le Rapport Condign était ou n’était pas. Je dois ajouter à présent que, comme tous les rapports d’expertise réalisés par un seul individu, il contient forcément des erreurs ou des imprécisions de détails qui ne remettent en aucune façon en cause l’ensemble de ses conclusions. Si des erreurs factuelles ou de raisonnement sont graves dans un rapport scientifique qui doit forcément avoir été vérifié et revérifié ; elles sont souvent inhérentes à la manière dont sont rédigés les rapports d’expertise. En effet, sans être écrits à la hâte, ceux-ci sont néanmoins rédigés sans que prévale un souci de rigueur scientifique absolue. En effet, le but d’un rapport d’expertise est de proposer une conclusion considérée comme valable plutôt que de démontrer de manière rigoureuse une série de faits ou de théories. Un expert peut être un scientifique, mais en agissant en tant qu’expert il n’agit pas comme un scientifique. Là encore, donc, les critiques lancées par certains ufologues sont déplacées et ne prouvent qu’une chose : leur incapacité à juger correctement des choses.
Une fois rédigé, le rapport Condign fut imprimé à un tout petit nombre d’exemplaires. On a parlé d’une dizaine. Ce chiffre reste à vérifier mais ne doit pas être fort éloigné de la vérité. Le système alors employé pour imprimer si peu d’exemplaires explique la médiocrité des reproductions photographiques. Le rapport fut ensuite distribué à quelques rares responsables-décideurs politiques et militaires. Tous ne reçurent pourtant pas les quatre volumes.
Les ufologues qui sont tentés une fois de plus de considérer ce Rapport comme une entreprise de désinformation feraient bien de réfléchir un peu au-delà de leurs idées préconçues : qui aurait l’idée folle de commander un rapport d’expertise secret pour gruger des millions de gens ? Car, ne l’oublions pas, le rapport Condign était bel et bien secret et, en principe, devait le rester ! Il n’était pas destiné à berner les ufologues mais bien à informer des responsables militaires et politiques de l’attitude qu’il convenait d’adopter en cas de "crise". Ira-t-on imaginer qu’un expert fut payé pour gruger les plus hauts responsables du pays ? Mais par qui donc ? Si c’était vraiment le cas, un énorme scandale politique aurait éclaté dès la publication de ce document sur internet !
Le simple bon sens indique que, cette fois, les ufologues se trouvent confrontés non plus à une étude scientifique publique qu’ils peuvent tenter d’attaquer, mais bien à un rapport secret qui n’était en principe destiné qu’à de hautes autorités officielles auxquelles, forcément, on se doit de dire la vérité en ce qui regarde la Sécurité de l’Etat ! De par sa nature, le Rapport Condign est donc bien différent du rapport Condon et ne peut en aucun cas être considéré comme un brouillard destiné à tromper les foules. Le contenu du rapport Condign exprime donc la vérité telle qu’elle est acceptée par les plus hautes autorités responsables britanniques.
Je terminerai en disant un mot de ce qui a le plus suscité des commentaires...
Le rapport Condign parle d’un possible phénomène naturel dont la véritable nature n’aurait pas encore été correctement cernée par la science.
Il fut un temps pas si lointain où l’on appelait encore "météore" des quantités de phénomènes naturels aériens comme la pluie, la foudre, les aurores polaires, les "bolides" et les mirages. Puis, peu à peu, on découvrit l’origine et les caractéristiques de chacun de ces phénomènes et ils furent alors classés séparément les uns des autres. Cette classification put paraître complète à une certaine époque, mais elle continua à se développer à mesure que l’on identifia de nouveaux phénomènes, plus rares ou moins évidents que les précédents. Il en fut ainsi, par exemple, de certaines lueurs géophysiques souvent associées à des tremblements de terre ou des "blue jets" repérés assez récemment. Rien n’indique que cette classification ne devra pas être encore augmentée de nouveaux phénomènes jusqu’ici mal identifiés ou confondus avec d’autres. L’exemple de la foudre en boule devrait y faire réfléchir. Il s’agit là en effet d’un phénomène si mal connu et si peu fréquent que certains physiciens en nient encore l’existence. Mais n’est-t-il pas possible que sous le vocable de foudre en boule on range plusieurs phénomènes distincts ? Il semble en tout cas que les caractéristiques de la foudre en boule soient si diverses qu’il est difficile de croire qu’elles appartiennent toutes à un seul et unique phénomène.
Le Rapport Condign suppute qu’il pourrait exister des plasmas capables de se déplacer verticalement et horizontalement en fonction de phénomènes de répulsion ou d’attraction électriques. Il suppute également sur la possibilité que des apports extérieurs d’énergie (par faisceau lumineux ou laser) pourraient exercer une action/réaction sur ces plasmoïdes. Ainsi se trouveraient expliqués les brusques déplacements ou rapprochements d’ovnis lumineux repérés par des avions et les pulsations qu’ils auraient produites en réponse à des signaux qui leur auraient été envoyés... Fantastique ? Fantaisiste ? Je dirais que ce sont là des idées intéressantes qui mériteraient peut-être d’orienter certains chercheurs...
Des ufologues disent déjà que ces plasmoïdes sont bien commodes pour expliquer les ovnis qui ont jusqu’ici résisté aux identifications forcenées entreprises par certains sceptiques. Tel n’est pas le but du Rapport Condign ! Il suggère une piste, sans plus.
Philip Klass
Et qu’on n’aille pas une fois de plus faire dire à Philip Klass ce qu’il n’a jamais dit : s’il a cru pouvoir prétendre jadis que des plasmas pourraient expliquer certains ovnis, il n’a jamais fait de cette hypothèse une obsession comme on l’a si souvent écrit depuis. Le livre dans lequel il développa cette idée était pourtant clair. Il est vrai que j’ai connu des ufologues respectés qui ne l’avaient même pas lu...
Marc Hallet
Unidentified Aerial Phenomena (UAP) in the UK Air Defence Region - Result of Internal Review
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Le monde est étrange, vous ne trouvez pas ?