Venise est une ville étonnante. Bâtie au milieu des lagunes, refuge contre l’invasion des Huns après la chute de l’Empire romain, puissance maritime qui avait envahi une partie de l’Italie au 14e siècle, cité florissante au 15e et au 18e siècle, Venise est située au nord-est de l’Italie, au confluent de l’Orient et de l’Occident, à mi-chemin entre le Vatican et Constantinople.
Venise s’est enrichie par le commerce, jusqu’à ce que les navigateurs espagnols trouvent un moyen de contourner l’Amérique du Sud pour rejoindre la Chine et l’Inde [1]. Venise subit le même sort que Pétra avant elle et finit par décliner [2], jusqu’à tomber aux mains de Napoléon en 1797 et à être donnée à l’Autriche en 1815 [3].
Venise était gouvernée par une série d’institutions qui devaient éviter l’installation d’une dictature (ce en quoi elle a réussi, d’ailleurs). Elle accueillit des hommes de toutes nationalités, parmi lesquels des Juifs allemands qui s’installèrent dans le quartier des forges, dans ce qui devint bientôt le premier "ghetto" de l’Histoire. Elle accueillit aussi des armuriers allemands qui financèrent la construction d’une église luthérienne (la Scuola dell’Angelo Custode) sur laquelle on peut voir des symboles maçonniques...
... mais aussi sur le fronton de l’Eglise de la Maddalena :
A Venise, il suffit souvent de lever la tête pour voir des symboles ésotériques :
- le lion ailé, qui est le symbole de la cité de Venise que l’on retrouve sur tous les murs et sur de nombreux bibelots vendus aux touristes, directement lié à la représentation de l’Evangéliste dans l’Apocalypse, mais que personne ne pense à comparer au sphinx (on retrouve pourtant une représentation du sphinx féminin, la sphinge, dans une des églises de Venise)
- les signes astrologiques représentés dans le cadran de la Tour de l’Horloge mais aussi d’autres horloges, compris dans des églises
- les animaux en cercle qui se mangent mutuellement, tel que l’oiseau et le poisson, reproduisant ainsi le symbole de l’Ouroboros
- l’association dans la même sculpture du lion et du serpent, animaux que l’on retrouve dans de nombreuses légendes égyptiennes [4]
- le serpent au pied des dieux grecs peints dans le Palais des doges
- les dragons représentés sous le pied ou sous la lance de St Georges, le dragon tenant dans sa gueule des parapluies dans un angle de rue, mais aussi les griffons représentés aux pieds d’une sculpture en fer à la Basilique Santa Maria
- l’aigle bicéphale en fer forgé visible au Palais des Doges (il s’agit d’un symbole alchimique représentant l’union du matériel et du spirituel au sein d’une substance volatile - un oiseau - qui rejoint le ciel [5])
- le tombeau de Canova en forme de pyramide parfaite (équilatérale) dans l’église Santa Maria Gloriosa dei Frari (ou église des Frari)
- les maquette du Musée Corréo qui montrent que les Vénitiens s’amusaient autrefois à grimper les uns sur les autres, à l’aide planches maintenues sur leurs épaules, pour former des pyramides humaines
- plan de l’église "San Francesca della Vigna" établi à partir de la "divine proportion", celle du nombre d’or (j’y ai ressenti une grande impression d’équilibre et de paix avant même de le savoir) [6], etc.
Près du Pont du Rialto, vous trouverez au-dessus de deux anciennes pharmacies, distantes de plusieurs rues, une tête d’homme recouvert de feuilles d’or, la fameuse Tête d’Or, en face de l’église San Bartolomeo, et une tête de femme en pierre, dit "Tête de la vieille femme" dans la corte del Teatro. Le visage ne paraît pas vieux, mais peut-être cet adjectif fait-il référence à l’ancienneté de cette sculpture ou à celle de la divinité qu’elle représente ?
Dans les guides de voyage, on cite rarement ces curiosités, et quand on le fait, on les traite séparément, en expliquant que la Tête d’Or, pourtant peu visible de l’aveu même des guides, était là pour faire connaître le nom de la pharmacie "Alla testa d’oro" à la population encore largement analphabète. Certes, mais pourquoi avoir choisi ce nom ?
Quand on compare les deux têtes, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un homme dans un cas, d’une femme dans l’autre, d’une couleur or comme le soleil dans un cas, d’une couleur grise dans l’autre avec une coupe de cheveux en forme de croissant, et que la Tête d’Or se trouve à l’est, du côté où se lève se lève, alors que la tête de pierre se trouve à l’ouest, à l’endroit où le soleil se couche et où la lune se lève... Bref, vous l’aurez compris, ces deux têtes symbolisent le Soleil et la Lune. Comment les guides peuvent-ils être à ce point aveugles ? Il faut peut-être prendre au sérieux ces symboles ésotériques et prendre le parti que les hommes de la Renaissance possédait un certain savoir ésotérique (ou alchimique) et qu’ils ne faisaient pas les choses au hasard.
Reste la question de savoir pourquoi ces deux têtes se trouvent au-dessus de pharmacie. A Venise, les pharmacies étaient des établissements réglementés, car les pharmaciens produisaient leurs propres remèdes, en particulier le Théariaque (la "Teriaca" en italien), un remède dit "miraculeux", à base d’opium et de plusieurs dizaines d’autres substances (de 20 à 50 substances selon les recettes). Nous retrouvons ici la quête de l’immortalité, chère à l’alchimie.
Nul doute qu’il existe de nombreux autres mystères à Venise que nous vous invitons à partager sur ce site.
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Le monde est étrange, vous ne trouvez pas ?