Ceux qui ont vu les films Fight Club et V pour Vendetta ont peut-être remarqué leur similarité.
Les deux films sont contestataires, les héros se révoltent contre une société trop "rassurante", ils érigent leur façon d’être en modèle et leurs idées amènent des personnes de plus en plus nombreuses à les rejoindre dans le combat. A la fin, ils s’attaquent au symbole du pouvoir et l’ordre établi est renversé.
Les deux films prônent la culture du risque contre la sécurité et croient dans le potentiel de l’être humain. Dans les deux films, la violence et le terrorisme sont des moyens qui servent à se révolter contre la société, mais ils ne représentent pas des fins en soi. Ce sont des réponses à une société qui oppresse l’homme et la vie. La violence et le terrorisme doivent finir au moment où commence la nouvelle société, à la fin du film. La société de demain est une société des possibles, elle n’est pas décrite, elle est laissée à l’imagination du spectateur.
Dans les deux films, les hommes qui rejoignent la force d’opposition perdent leur personnalité (ils portent un masque dans l’un, ils deviennent les soldats du Fight Club dans l’autre).
Dans les deux films, il y a deux personnages qui entretiennent une relation ambiguë et violente. Ils semblent parfois s’opposer. L’un a le dessus sur l’autre, mais cette relation retrouve un point d’équilibre à la fin.
Dans les deux films, la violence physique (dans l’un) ou psychologique (dans l’autre, même s’il parle aussi de torture) permettent de se mesurer à la mort et sont des moyens radicaux pour l’esprit et la volonté des individus.
Dans les deux films, la mémoire joue un rôle. Dans V pour Vendetta, les hommes ne se souviennent pas de leur histoire. Dan Fight Club, le narrateur a perdu une partie de sa mémoire.
Il existe un mystère autour du personnage principal. Le premier porte un masque ; le second est un masque. Le premier ne tient pas à ce que sa partenaire connaissance où il habite. Le second exige le secret aux membres du Fight Club.
Mais les deux films ont également des divergences qui donnent une portée différente aux deux films.
Dans V pour Vendetta, le personnage principal incarne une idée, tandis que les membres du Fight Club s’autodétruisent ou acceptent d’être détruit par leur adversaire. Le Fight Club se nourrit de lui-même, il est nihiliste. Dans le premier, la motivation principale est une vengeance. Dans le second, il n’y a pas de motivation.
Dans V pour Vendetta, il y a une histoire d’amour avortée. Dans Fight Club, il n’y a pas d’amour, il y a du sexe.
Dans V pour Vendetta, c’est la population entière qui se soulève. Dans Fight Club, c’est une minorité.
Dans V pour Vendetta, le peuple se soulève contre l’oppression. L’action se situe dans un Londres imaginaire. Dans Fight Club, seule une minorité se soulève. Elle décide de faire exploser les terminaux d’ordinateur qui gèrent les flux financier afin de faire s’écrouler le système. L’action se déroule dans le monde d’aujourd’hui.
Dans V pour Vendetta, le personnage principal a tout prévu. Dans Fight Club, on dirait que le personnage principal improvise à chaque fois partir de la nouvelle situation créée.
Ainsi, dans V pour Vendetta, la violence et le terrorisme peuvent servir une idée, mais cette idée a besoin du soutien du peuple pour se réaliser. Il ne s’agit donc pas d’actions terroristes qui auraient pour but de désorganiser un pays par la peur. Mais on ne connaît pas clairement les motivations du "sauveur" : est-ce une révolution ou une simple vengeance ? L’ennemi est simple par contre. Il est incarné par un dictateur. C’est "le grand méchant".
Dans Fight Club, une poignée d’individus hésite entre l’autodestruction et l’anarchie. Elle opte finalement pour l’anarchie. Le personnage principal redonne goût à la vie en s’approchant de la mort, sa motivation est claire, mais l’ennemi ne l’est pas : est-ce lui-même, est-ce la société qui l’entoure ? L’ennemi sera finalement incarné par le système financier, en tant que l’argent mène le monde (ce qui est déjà une proposition nighiliste), et non pas dans un but anticapitaliste.
Pour ma part, V comme Vendetta est porteur d’une plus grande espérance que Fight Club. Mais en situant son action dans un Londres imaginaire, contrairement à Fight Club, il ne place pas l’espoir à portée de main. Vendetta donne pourtant une porte de sortie quand il explique que les mensonges qu’il raconté à la femme qu’il avait emprisonné ne doivent pas remettre en cause ce qu’elle a ressenti et ce qu’elle est devenue. Il s’agit d’une forme de mise en abîme. Il donne un sens au film que nous regardons. Fight Club, au contraire, maintient l’illusion en cherchant à être "cru" et "réaliste".
Ainsi, il serait tentant de vouloir monter un Fight Club à son tour. Le film amènerai peut-être l’homme à changer, mais pas la société. V pour Vendetta est plus subtil, parce qu’il demande à l’homme de se souvenir pour changer, de s’intéresser à son histoire et de produire une idée pour tous les hommes. V pour Vendetta est un film d’introduction à une utopie.
Dans les deux films, il suffit d’une personne ou deux pour changer le monde. Dans Fight Club, cependant, il s’agit d’une personne, même si cette personne est une illusion (encore le nihilisme). Dans V pour Vendetta, cette personne peut être n’importe qui, parce qu’elle incarne une idée.
Et vous, quelle est votre idée ?
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Ce monde est à nous, changeons-le !