J’ai noté le témoignage de deux personnes de ma famille.
O. tomba un jour dans le coma, vers 20 ans, pour une raison réelle cette fois-ci. Cela dura un jour. Pendant ce jour, sa mère vint dans chambre et s’assit. A son réveil, le lendemain, la comateuse rapporta à sa mère, qui était repartie, qu’elle savait qu’elle était venue, qu’elle l’avait « vu », assise à côté et qu’elle pouvait décrire ce qui s’était passé, et la décrire, « elle ». On imagine tout de suite qu’elle a pu l’entendre et déduire sa position dans la pièce, et que le subconscient a pu retrouver dans sa mémoire les détails de sa garde-robe. Il s’agirait donc d’une hallucination faite à la limite de l’état de veille, provoquée par l’émotion liée à la présence de sa « mère ». Par-contre, le souvenir des « gestes » est plus difficilement explicable… O. faisait des études de médecine et est aujourd’hui infirmière.
N. est une institutrice. Elle avait une trentaine d’années au moment de l’accident. Elle s’était garée sur le bas-côté mais n’avait pas allumé ses feux de détresse (il faisait nuit). Un automobiliste alcoolique est arrivé et a percuté sa voiture, qui est tombée dans le ravin, quatre mètres plus bas. L’homme saoûl a fait du stop, sans s’apercevoir de l’accident qu’il venait de causer. Un automobiliste le prend et l’interroge sur sa blessure, sans résultat. Il s’étonne aussi de l’état de sa voiture, très abîmée pour un accident « sur le plat ». Sur son trajet, dans un acquis de conscience, il prend quand même la peine de signaler l’accident aux gendarmes. Ceux-ci vont voir ce qui s’est passé. Ils trouvent la voiture, entendent des râles (alors que N. était déjà inconsciente) et s’affairent à la sortir du magma de tôles où elle était emmêlée.
N. reste une semaine entière dans le coma. Quand elle ouvre les yeux, elle voit une croix en face d’elle. Elle se demande si elle morte. En fait, toute la chambre est tapissée de croix, une lubie du médecin. Elle n’apprécie qu’à moitié : depuis que ses parents l’ont obligé, étant petite, à suivre jusqu’à très tard la religion catholique, elle est fermement athée et exècre la « religion ». Pourtant, quand elle était petite, elle y « croyait ». C’est en souvenir de ceci qu’elle accepte cependant que des gens puissent croire en « Dieu » - indépendamment de toute religion. Sa position n’a pas changé après l’accident, alors qu’on peut dire qu’elle a eu beaucoup de « chance » après sa « malchance ». Son crâne avait été fissuré, mais de tel manière qu’il s’est ressoudé exactement à l’endroit où il s’était brisé. Ajoutons à cela que ne sachant pas si elle allait survivre, le médecin ne soigna pas son épaule fracturée. Elle se remit d’elle-même.
Le fait est qu’elle se souvint au réveil de la forme spécifique de la salle d’opération : en forme d’étoile, alors qu’elle était dans le coma. Elle explique cela par la possibilité qu’elle se soit réveillée et qu’elle ait ouvert les yeux dans la salle d’opération. Outre le fait que sa situation, allongée et sous la lumière, ne leur aurait pas permis d’estimer la forme de la pièce dans sa totalité, elle était tombée dans le coma. Ses yeux étaient fermés. Ajoutons qu’elle les aurait eu ouverts, ça ne l’aurait pas beaucoup aidé à cause de sa myopie. Elle pouvait peut-être entendre, mais entend-on les dimensions d’une pièce ? Oui, à condition d’être bien entraîné, ce qui n’était pas son cas.
Par-contre, et ça elle ne le contredit pas mais l’affirme : elle a « vu » beaucoup de personnes s’asseoir à côté d’elle pendant qu’elle était dans son lit d’hôpital. Elle a vu des personnes « vraies », toutes celles qui sont réellement venues, mais aussi des personnes qui ne pouvaient pas être là, réels, puisqu’elles étaient mortes. Elle ne s’en est rendu compte qu’au réveil. Sur le moment, elles étaient vivantes et c’était normal de « discuter » avec elles, ou des fois ne serait-ce que de les entendre lui parler, la rassurer.
Parmi elles, il y avait la même personne que le grand-père de A. dans le post « Une triste prémonition ». Ce grand-père-ci n’avait pourtant rien d’autre de particulier que d’être une personne sympathique, père de cinq enfants, qui avait été résistant, qui avait été catholique, qui avait été généreux et qui avait aimé sa femme jusqu’au bout, tout cela caché derrière un air bourru qui pouvait paraître sévère. Il n’avait pourtant jamais manifesté le moindre attrait, ni même la moindre croyance, dans le « surnaturel ». Il était technicien de métier. Il ne s’occupait pas de ces choses-là. Seule exception à la règle : le jour où il devait mourir, il invita à dîner tous ses enfants, comme il le faisait souvent. Mais ce jour-ci, il insista pour que tous ses enfants soient présents en même temps. Un seul n’est pas venu, le père de A., à cause la distance, malgré les insistances de son père.
On trouve dans ces événements un étrange maillage, qui ne suppose ni cause ni conséquence. Même l’induction ou l’analogie ne peuvent servir d’explication. On retiendra seulement la concentration possible de ces événements dans une famille, et le fait que tout individu semble avoir vécu quelque chose d’ « anormal » durant sa vie : il suffit de l’interroger.