Brève explication
Les 22 et 23 février 2000, le Parlement européen examinait un rapport sur le fonctionnement d’un réseau d’écoute anglo-saxon Créé aux États-Unis pendant la guerre froide pour l’interception des transmissions militaires ou diplomatiques, Echelon est un réseau capable de surveiller toutes les télécommunications mondiales (appels téléphoniques, télécopies, messages transmis par Internet).
L’agence responsable de ce programme, la NSA (National Security Agency) emploie en Virginie 38 000 personnes, qui traitent les informations interceptées via des dizaines d’ordinateurs Super Cray. Celles-ci sont décryptées puis filtrées grâce à des dictionnaires de mots-clés performants. Des surveillants des services secrets sélectionnent les messages intéressants et les envoient au gouvernement américain. D’où l’information part ensuite vers les services spéciaux américains ou étrangers et certaines entreprises.
Selon la NSA, ce réseau a pour seule mission de sécuriser les communications des Américains. Mais il est aujourd’hui soupçonné d’espionnage industriel. Quant à nos conversations privées, elles lui sont également accessibles. L’un des maillons essentiels du réseau anglo-saxon Échelon, Benhall Site, est situé à Cheltenham (Grande-Bretagne).
Ces sources multiples sont ensuite indexées et peuvent être recherchées par mots clés comme sur un moteur de recherche du Web. Les premiers moteurs de d’indexation et de recherche sont d’ailleurs issus du monde du renseignement. Il semble que les "clients" d’Echelon transmettent à la NSA les mots, phrases ou noms propres correspondant à leur requête et reçoivent en réponse les transcriptions répondant aux critères.
En d’autres termes, le projet aurait recours à la technologie dite des "agents intelligents", les informations n’étant pas stockées dans une base centrale mais directement expédiées au service demandeur.
Si la technique est connue pour les communications textuelles, des points d’ombre demeurent sur les conversations orales. On affirme qu’Echelon peut identifier des voix et que le système peut rechercher, plutôt que des mots clés, un individu particulier. De plus, au vu des nouveaux systèmes d’indexation automatique de vidéos et de sons, on peut se demander s’ils sont utilisés dans le Projet Echelon, très certainement en avance sur son secteur. Des systèmes commercialisés actuellement peuvent par exemple traduire en texte une communication orale, facilitant d’autant l’indexation.
Historique
Le journaliste britannique Duncan Campbell enquête sur le réseau Echelon depuis plus de 10 ans. Il réaffirme que "toutes les communications électroniques, téléphoniques et par fax en Europe sont quotidiennement interceptées par la NSA" grâce aux satellites espions et aux stations terrestres du réseau Echelon, système d’espionnage piloté par les services secrets des États-Unis, de la Grande-Bretagne, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.
Campbell précise dans son nouveau rapport que "de nouvelles preuves sont apparues", tendant à démontrer "qu’une partie de la vocation des installations d’Echelon (NDR : à l’origine purement militaire) est aujourd’hui commerciale". Et le journaliste de mentionner plusieurs firmes –Airbus Industries et Thomson CSF, entre autres- qui ont été au centre de différentes opérations d’espionnage industriel ces dernières années.
L’existence de ces grandes oreilles anglo-saxonnes est connue depuis de longs mois (RFI y a consacré ce dossier en février 99) mais ne trouve, paradoxalement, un écho diplomatique que depuis la publication du nouveau rapport Campbell.
Le porte-parole de la Commission Européenne se dit préoccupé, la Présidente du Parlement, Nicole Fontaine, scandalisée. Louis Michel, chef de la diplomatie belge, en oublie son langage de diplomate pour fustiger "une situation inacceptable" et menacer de tirer " les conclusions nécessaires en matières de politique étrangère". L’ancien ministre français de la défense, Paul Quilès, réclame de son côté l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire.
Autant de prises de position qui ont conduit Tony Blair à sortir de son silence embarrassé sur la question pour assurer que le Royaume-Uni n’avait jamais trahi ses alliés européens en collaborant avec les États-Unis dans le réseau Echelon. Difficile à croire.
L’histoire du réseau
1947/48 - Le pacte UKUSA est prorogé. Ce pacte secret conclu, pendant la Seconde Guerre mondiale, entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, organise la collaboration des services de renseignement des deux pays dans le domaine de l’espionnage des télécommunications. Le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande se joignent à ce pacte de coopération et d ’échange des informations recueillies. Cibles principales : l’URSS et les pays communistes.
1952 - Aux Etats-Unis, création de la NSA (National Security Agency) par une directive du président Truman. La NSA est chargée, au sein des services de renseignement, des opérations SIGINT (signal intelligence), c’est à dire de l’espionnage électromagnétique (surveillance des liaisons radios, des émissions radar, des télécommunications, etc.) et de la conception des systèmes de codage et de cryptage destinés à assurer la confidentialité des communications du gouvernement, des diplomates et des militaires américains.
1966 - La NSA prend le contrôle de la base de Menwith Hill (nord de l’Angleterre) qui était jusque là dirigée par l’armée américaine. Elle en fera la plus grande station d’interception du monde.
1985/87 - Projet de création d’un réseau mondial de surveillance des télécommunications révélé par le journaliste britannique Duncan Campbell. Le principe du projet F 415 est de relier entre elles, grâce à de puissants ordinateurs, les différentes bases d’interception des pays du pacte UKUSA qui sont disséminées à travers le monde.
1989 - La chute du mur de Berlin entraîne la redéfinition des priorités stratégiques des Etats-Unis. La conquête des marchés mondiaux est désormais l’objectif majeur.
1996 - Le néo-zélandais Nicky Hager met en évidence l’existence et le fonctionnement du plus grand réseau d’espionnage des communications jamais conçu. Il dévoile ce réseau baptisé "Echelon" dans un livre intitulé "Secret power".
1998 - Une étude commandée par le Parlement européen souligne les dangers que fait peser l’activité de ce réseau sur les pays de l’Union européenne et sur leurs entreprises.
La base de Menwith Hill
La base de Menwith Hill n’est pas mentionnée sur les cartes de la région. A partir de Leeds, il faut prendre la direction de Harrogate. C’est là, au milieu des prés délimités par des murs de pierres sèches que s’est établie la plus grande base d’espionnage du monde.
Le site est entouré par une simple clôture grillagée qui semble destinée à arrêter les troupeaux de moutons des alentours plutôt qu’à véritablement protéger les 220 hectares du site.
Ce qui frappe le plus les visiteurs, ce sont les immenses boules blanches qui semblent venues d’ailleurs. Les " balles de golf ", comme les appellent les habitants de la région, mesurent jusqu’à une vingtaine de mètres de diamètre. Il s’agit de radômes, autrement dit de structures creuses qui abritent des paraboles de réception satellitaire.
Les 28 globes blancs protègent donc autant de paraboles contre les effets du vent, de la pluie et de la neige, mais aussi contre les regards indiscrets. Il est impossible pour les automobilistes qui longent la base de voir dans quelle direction sont pointées ces antennes-satellite. Impossible également de deviner ce qui se passe à l’intérieur du bâtiment à demi enterré où se trouvent les postes de commande et de contrôle de la base.
L’accès à la base de Menwith Hill de la RAF (Royal Air Force) est gardé par des policiers en arme et strictement contrôlé. Mais en dépit de sa dénomination officielle, la plupart des 2.000 personnes qui travaillent ici ne sont pas britanniques. Dans cette base, contrôlée depuis 1966 par la NSA (National Security Agency), les plus nombreux sont les citoyens américains, civils et militaires.
C’est d’ailleurs un officier de l’armée américaine qui commande ce site baptisé " base F83 " par les experts en renseignement électronique de la NSA.
Menwith Hill est la plus grande base d’espionnage du monde, mais elle n’est pas la seule. A Pine Gap, en Australie, une installation du même type a été mise en place par la NSA pour surveiller les télécommunications dans l’hémisphère sud.
Les activités précises de la base de Menwith Hill demeurent en grande partie mystérieuses. Quelques parlementaires britanniques ont bien tenté d’interpeller leur gouvernement britannique pour connaître le statut et rôle de la base, mais la réponse a toujours été identique : "nous ne pouvons pas répondre, c’est une question de sécurité nationale".
L’ association, la CAAB (Campaign for the Accountability of the American Bases) a pu en décortiqué certains termes.
Par exemple :
-" Silkworth " désigne un système de satellites positionnés au-dessus de pays-cibles et qui captent les communications micro-ondes qui servent notamment de relais à l’extrémité des câbles sous-marins à haut débit
-" Moonpenny " désigne un programme d’interception de certains satellites de télécommunication non-américains
-" Runway " reçoit les informations captées par les satellites espions Vortex qui écoutent les télécommunications relayées par Intelsat
-" Steeplebush I et II " sont des systèmes informatiques sophistiqués qui rassemblent toutes les données recueillies par les différents programmes
Cependant les activités de la base ne tournent pas seulement autour de l’espionnage au sens où on l’entend habituellement. Lors de la guerre du Golfe par exemple, les installations de Menwith Hill ont servi à détecter les tirs de missiles scud irakiens contre l’Arabie Saoudite et Israël. Et ce sont les informations collectées par les grandes boules blanches du Yorkshire du nord qui permettaient ensuite de guider les missiles antimissiles Patriot.
Sur le site de la NSA Sugar Groove à 300 km au Sud-Ouest de Washington, 6 paraboles sont pointées vers l’Europe et l’atlantique.
Retard français et européen
La mission d’information parlementaire sur les "systèmes de surveillance et d’interception électronique pouvant mettre en cause la sécurité nationale" vient de rendre public son rapport (octobre 2000). On constate avec surprise l’incroyable méconnaissance des enjeux dans les sphères politiques et économiques européennes.
Il a fallut sept mois de travail à cette mission pour confirmer ce que les spécialistes savaient déjà depuis plusieurs années, à savoir l’interception systématiques des communications par téléphone, fax, courrier électronique et réseau informatique par les Etats-Unis. En France, ce n’est qu’en juillet de cette année que la DST a ouvert une enquête officielle sur les activités liées au réseau Echelon. Si la menace n’était pas si grave, on sourirait en apprenant que cette enquête pourrait déboucher sur l’ouverture d’une information judiciaire et la désignation d’un juge. Arthur Paecht, le député UDF du Var rapporteur de la mission d’information européenne, préconise une série de mesures dont la libéralisation de la cryptographie et une protection du citoyen européen similaire à celle du quatrième amendement de la constitution des Etats-Unis.
Sans mésestimer l’importance d’une telle démarche, on peut toutefois douter de son efficacité. Si elle peut probablement déboucher sur une prise de conscience des administrations, des entreprises et des citoyens cela ne veut pas dire que les moyens financiers nécessaires seront dégagés. Et encore, nous ne parlons là que de moyens défensifs alors que les Etats comme les entreprises doivent aussi être en mesure de mettre en place de véritable politique de renseignement sur ce nouveau théâtre d’opération.
Or les services de renseignement français disposent de moyens dérisoires (quelques dizaines de personnes au mieux) par rapport à ceux de la National Security Angency qui emploierait plus de 100.000 personnes et dispose des moyens technologiques les plus modernes. Chaque jour plus de 15.000 interceptions donneraient lieu à un rapport. Cet outil mis en place lors de la guerre froide a depuis été employé pour la lutte contre le terrorisme, mais aussi et surtout, le soutien aux entreprises et aux intérêts américains dans le cadre de la mondialisation de l’économie, encore accélérée par les nouvelles technologies.
Si l’on considère le développement rapide de la cybercriminalité, qu’il s’agisse de pirates professionnels ou amateurs tentés par l’exploit (48% des jeunes américains considèrent que le hacking n’est pas un délit), il faut s’attendre a de graves problèmes dans les entreprises et les administrations françaises qui rattrapent leur retard en matière d’informatique et de réseaux.
Comment fonctionnent ces " Grandes oreilles "
120 satellites espions et quelques sous-marins interceptent les messages circulant entre satellites ou dans des câbles placés sous l’océan (des manchons équipés de bobines sont placés sur les câbles et captent les champs magnétiques émis à l’intérieur).
Ce rôle trouble d’Echelon dans l’espionnage industriel est sérieusement suspecté par Bruxelles depuis septembre 1998. A cette date, le STOA (Scientific and Technological Option Assesment) pour la fondation Omega de Manchester publie un premier rapport sur ce réseau. L’espionnage des communications n’est pas nouveau et la NSA est depuis longtemps réputée dans le domaine.
Mais cette fois l’ampleur de l’organisation est inédite : Echelon informerait non seulement des entreprises aux États-Unis mais également au Canada, en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle Zélande. Des bases d’écoute seraient installées dans ces pays mais aussi au Japon et en Allemagne. La Norvège, la Corée du Sud ainsi que la Turquie recevraient, elles aussi, des informations selon une étude de la free Congress Research and Education Foundation qui siège à Washington. La NSA a envoyé aux membres du Congrès un courrier dans lequel elle entend démontrer qu’elle a pour seule mission de sécuriser les communications des Américains et qu’elle respecte la loi américaine sur la surveillance des renseignements de l’étranger.
Mais ce discours, auquel le Congrès n’a pas encore réagi, ne convainc pas le parlement de Bruxelles. Celui-ci dit disposer de preuves incriminant la NSA et Echelon dans au moins deux affaires industrielles ayant tourné en faveur des États-Unis : la perte d’un marché de 1,4 million de dollars par Thomson au profit de l’Américain Raytheon dans le domaine des radars au Brésil et le contrat perdu par Airbus en Arabie au profit de Boeing Mc Donell Douglas. Par ailleurs, l’existence d’Echelon pose également la question de l’écoute des conversations privées. Aux États-Unis, des groupes de défense des libertés civiques s’organisent, notamment pour obtenir des réponses claires de la NSA.
Extrait de "La Lettre de l’OTEC"
Echelon : L’inquiétude est grande en Europe face à l’augmentation des crédits et des ressources alloués à la NSA (National Security Agency) qui par son programme "Echelon" intercepte dans le monde entier toutes les communications email, fax, téléphone filaire, satellitaire ou portable, dont les ordinateurs extraient, en direction de ses 20 000 employés, les messages sur la base de mots clés ou des numéros appelants ou appelés, mais également tous les messages cryptés ! Les Européens ne disposent pas encore de "preuves évidentes" d’utilisation des infos à des fins commerciales, mais il est de notoriété publique que la NSA vend des "veilles économiques et documentaires" aux sociétés US.
Dossiers brulants
Malgré le culte du secret que cultive la NSA, son nom apparaît parfois au cours d’affaires d’espionnage, mais la majeure partie des activités de l’agence reste dans l’ombre.
1990 - La NSA intercepte les communications entre le fabricant japonais de satellites NEC et l’Indonésie pour la fourniture d’un contrat de 200 millions de dollars. Le président Bush intervient auprès de Djakarta. Le contrat sera partagé entre NEC et l’américain ATT.
1990 - Inauguration des nouveaux locaux de l’ambassade de Chine en Australie. Lors de la construction du bâtiment, des agents américains ont installé de multiples micros et des systèmes de surveillance des communications dans tous les murs. Les informations recueillies sont transmises directement par satellite au quartier général de la NSA dans le Maryland aux Etats-Unis.
1991 - Plus de 12 tonnes de cocaïne sont saisies grâce aux informations fournies par la NSA qui intercepte, à partir du Venezuela, toutes les communications des membres du cartel de Cali.
1992-93 - La NSA espionne les communications des officiels mexicains qui négocient l’ALENA (Accord de Libre-Echange Nord-Américain) avec les Etats-Unis et le Canada.
1993 - Au cours du sommet de l’APEC (forum de coopération Asie-Pacifique), la NSA et le FBI installent des équipements capables d’écouter les communications des 15 dirigeants des pays de la zone Asie-Pacifique conviés à Seattle aux Etats-Unis par Bill Clinton. Certaines informations collectées semble avoir été transmises à des chefs d’entreprises qui ont financé la campagne électorale du président américain.
1994 - Lors du bras de fer entre les Etats-Unis et l’Union européenne dans les négociations du GATT, le réseau Echelon est utilisé par Washington pour connaître la position de chacun des 15 pays de l’UE et la stratégie de la Commission européenne. Des consignes seront données aux fonctionnaires de Bruxelles leur demandant de ne pas utiliser le courrier électronique, dont l’usage commence à se généraliser, pour transmettre des informations sensibles.
1994 - Interception des négociations entre le fabricant français de radars Thomson-CSF et les autorités brésiliennes. C’est finalement la firme américaine Raytheon qui décrochera le contrat pour assurer la couverture radar de l’Amazonie.
1994 - La NSA intercepte les coups de téléphone et les fax entre Airbus et les autorités saoudiennes. Le contrat de 6 milliards de dollars sera décroché par Boeing.
1998 - La NSA aurait infiltré des agents au sein de la mission de désarmement de l’ONU en Irak. Leur mission : installer de petits systèmes d’interception pour capter les communications de Saddam Hussein et de l’état-major irakien.
A travers se sujet, on se rend que la liberté montré, rêvé sur nos écrans est soit devenue une chimère, soit était à l’origine une chimère. On doit être prudent, au delà de ce qu’on nous dit, il faut se méfier, et ne pas faire a confiance à n’importe qu’elles institutions.
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Ce monde est à nous, changeons-le !