Il s’agit d’un individu qui voit toujours les mêmes heures affichées, sur les montres, les magnétoscopes, les réveils, etc. Quand il regarde, il est toujours aux minutes 7, 22, 37 ou 52. Soit quatre chances sur 60, soit encore une chance sur quinze. Or, l’écart entre ces chiffres est justement de 15 minutes. D’autres heures apparaissent aussi, mais beaucoup plus rarement : heure pille (00 aux minutes), 1h23, ou n’importe quel chiffre qui se répète trois fois (2h22, 4h44…), ou bien double : (10h10, 2h12, etc.). Mais ces derniers restent rares, ils ne sont donc pas fiables : nous n’en tiendrons pas compte pour ce qui suit. La personne, pourtant, trouve ces chiffres « beaux » ou « amusants », et même si elle admet leur moindre fréquence – c’est elle qui le dit - , elle ne les considère pas non plus que des heures « normales ». Superstition, magie ou ésotérisme ? Nous tâcherons plus bas d’étudier le caractère de cette personne.
Au début, quand cette faculté est venue, vers ses vingt ans, l’individu en question a été étonné, voire embarrassé, tout en recevant cela avec amusement et aussi une certaine fierté, fierté d’être différent. Mais « pour éviter de devenir fou », pour en être sûr, il a essayé de dérégler les horloges de sa maison, mais ça a continué, et ça continue encore, de fonctionner malgré ça : il les regarde toujours au bon moment. On parlera d’horloge interne, l’horloge biologique, mais il s’avère que lorsqu’il demande l’heure à quelqu’un (quand il n’a pas de montre) ou quand quelqu’un d’autre, un inconnu, lui demande l’heure (quand il en porte une), il est toujours une heure avec l’une de ces minutes. Dans le dernier cas, qui se produit fréquemment, il n’y a pas d’explication apparente.
Il arrive aussi qu’une personne rentre chez lui, qu’il reçoit un téléphone ou qu’une émission télévisée se termine, il regarde l’heure, et à chaque fois, « ça marche ». Il est même capable de sentir cette « heure » venir. Alors qu’il n’a pas de montre et se promène dans une rue populaire avec des amis, par exemple, il peut lui arriver de demander l’heure en pariant que ce sera l’une des quatre. Au début, mais plus maintenant, il avait parfois l’heure une minute au-dessus ou en-dessous : cela fait quand même de douze sur soixante, soit trois chances sur quinze. A part ça, il ne se trompe - quasiment - jamais. Le seul moyen qu’il a pour le faire est de re-regarder l’heure quelques minutes après, ou de garder les yeux fixé sur le cadran.
Plus tard, j’ai appris que ces « chiffres » avaient commencé à s’étendre à tous les domaines de sa vie : heure de rendez-vous, numéro de série, numéro du nouvel appartement de sa sœur, code postal de la ville où ses parents partent déménager, numéro de téléphone de son portable, numéro de code de la carte bleu, immatriculation de la voiture, etc. Tout n’arrive pas d’un coup, mais lentement, mélangé avec d’autres événements où les « chiffres » n’interviennent pas. Faut-il donc en tenir compte ?
J’ai moi-même accompagné cet individu, et j’ai pu observer, durant des journées entières, les « coïncidences ». Démuni de montre à ces moments-là, il me demandait parfois l’heure, c’était une de ces « heures ». Des fois, des gens l’accostaient, lui demandaient l’heure, se tournaient vers moi et je regardais ma montre : les minutes affichaient 7, 22, 37 ou 52. Parfois, il demandait l’heure à d’autres personnes que moi, leur montre pouvant être décalée par rapport à la mienne, et l’heure qu’elle leur donnait était l’une de « celles-là ». A Paris, des heures sont parfois affichées sur certains monuments ou à côté des pharmacies : quand on les voyait, c’étaient ces « heures ». On arrivait à la gare : le prochain train sur notre ligne partait à x heures 7 minutes (ou 22, 37, 52). Je l’ai vu aussi prendre un billet de train pour une longue distance, il veut réserver mais beaucoup d’horaires sont complets : il ne reste plus qu’une heure de départ ou d’arrivée qui corresponde à ces « heures ». Sur la totalité des heures perçues, ce doit faire entre 70% et 90% de concordances, parfois plus. Certains jours, c’était même 100%. Mais il y eut donc quelques « échecs », ce qui pourrait remettre sa « croyance » en cause, n’en faire plus qu’une vue de l’esprit : seulement, 4 chances sur 60 (minutes), ça n’a jamais fait 70%, mais 6%. Avec un chiffre au dessus et un autre en-dessous, comme avant, on obtient 12 chances sur 60, soit 20% : nous sommes encore loin du compte.
Deux explications semblent alors possibles (dans le cadre de la science). Ou bien il regardait subrepticement – inconsciemment - ma montre et les heures dans la rue, avant de demander l’heure. Ou bien il percevait l’écoulement du temps avec une grande acuité, comme « branché » directement – ou quand il le voulait – à son horloge biologique (que nous avons tous). Cette dernière semble la plus possible, étant donné qu’une fois, ni lui ni moi n’avions de montre, quelqu’un nous demanda l’heure dans le métro, il se concentra et, fier de lui, il donna une heure (qui ne se terminait pas par 7, 22, 37 ou 52) : une autre personne dans le métro regarda sa montre et approuva. Une des personne présente s’étonna de la coïncidence mais les autres n’y firent pas attention.
A ma connaissance, ce cas n’a jamais été reporté dans les annales de la science. L’horloge biologique, en effet, est sensée est strictement inconsciente : fonctionnant sur des cycles de 24 heures (principalement), orchestrant la production d’hormones, très précis sur certains points, il ne s’agissait cependant pas d’une « horloge avec des chiffres qu’on regarde. Il s’agirait d’une « perception » différente, peut-être comparable au sens de l’orientation, mais temporelle au lieu d’être spatiale.
Le phénomène est étrange, mais l’individu aussi. Une vingtaine d’années, célibataire, il adore les jeux mathématiques et applique une sorte de géométrie aux calculs astronomiques et aux mesures des pyramides d’Egypte. D’autres individus, malheureusement, correspondent aussi à l’ensemble des critères nommés ci-dessus, avec les mêmes goûts, la même personnalité, et ils ne voient pourtant pas ses chiffres. Surpris au début, aujourd’hui il n’y fait presque plus attention. Il ne les voit presque plus aujourd’hui.
Projet 22 recherche d’autres personnes ayant vécu des expériences similaires afin de mieux comprendre le phénomène.
Lire d’autres articles sur les coïncidences.
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Le monde est étrange, vous ne trouvez pas ?