Le professeur Ronald Hanson et son équipe de l’Université technologique de Delft, aux Pays-Bas, ont réussi à transférer un bit quantique (ou qubit) d’un atome vers un autre sur une distance de trois mètres. L’expérience est rapportée dans un article de la revue Science daté du 29 mai 2014 [1]. Elle a été relayé depuis par de nombreux médias, en indiquant que la téléportation devenait possible, alors qu’il s’agit de téléportation quantique, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. D’autres parlent de communication quantique, de données sécurisées et d’ordinateur quantique...
Essayons d’y voir clair.
L’expérience a utilisé le phénomène de l’intrication quantique, c’est-à-dire la possibilité pour deux particules d’être liées entre elles pour ne plus former qu’une seule particule à deux endroits différents (on dit alors que la "fonction d’onde" des deux particules est la même). Elles se comportent alors comme deux particules jumelles, qui réagissent de la même manière et au même moment. Cette communication ne passe pas aucune onde, elle est donc en théorie plus rapide que la lumière [2].
La théorie de phénomène porte le nom de lien EPR, du nom des trois physiciens qui l’ont formulée : Einstein-Podolsky-Rosen. Avec l’aide de ses collègues et amis, Albert Einstein avait cherché un façon de contrecarrer la théorie quantique qui lui semblait absurde [3]. En effet, le "paradoxe" EPR amenait à dire que deux particules entremêlées pouvaient communiquer plus vite que la lumière et remonter le temps, inversant ainsi l’ordre de causalité. L’ironie de l’histoire veut qu’Einstein ait participé sans le vouloir à la validation de la théorie quantique, puisque le lien EPR ou "intrication quantique" a été vérifié par Alan Aspect en 1981 [4] et de nombreux autres physiciens depuis.
L’intérêt de cette nouvelle expérience réside dans le transfert d’informations (1 ou 0) entre deux atomes ou ensemble de particules. La distance de trois mètres n’a rien d’exceptionnelle puisque le record actuel d’intrication quantique est de 143 km, avec 80% de précision sur les états intriqués. L’originalité l’expérience réside dans la transmission simultanée d’une information de type 1 ou 0 vers un autre atome, avec une précision de 100%. Non seulement de l’information peut être transmise de manière quantique (qubit), mais c’est un premier pas vers la construction d’un ordinateur quantique.
Demain, l’ordinateur quantique
Fin 2009, des chercheurs français publient une avancée déterminante pour la fabrication d’un ordinateur quantique : un dispositif de lecture haute fidélité d’un " bit quantique" pour, un jour, parvenir à effectuer des calculs inaccessibles aux ordinateurs actuels. Tout ceci vous parait trop compliqué et forcément réservé aux initiés ? Un reportage pour démystifier l’informatique quantique...
La téléportation quantique n’a-t-elle rien à voir avec la téléportation des films de science-fiction ? Cela dépend de votre postulat concernant les êtres vivants et les êtres humains en particulier : soit vous considérez que nous ne sommes que des atomes liés entre eux et qu’une copie exacte de ces atomes serait votre double parfait (et donc vous-mêmes), soit vous considérez que votre individualité ne se limite pas à vos caractéristiques physiques mais également possède également un supplément d’âme, un instant vécu irréductible à toute forme de matérialisme.
Le professeur Ronald Hanson explique sur le site du Telegraph : "Si vous pensez que nous ne sommes rien de plus qu’un assemblage d’atomes reliés les uns aux autres d’une manière particulière, alors en principe il devrait être possible de nous téléporter d’un endroit à un autre. En pratique, c’est extrêmement improbable, mais dire que cela ne marchera jamais est très dangereux". [5]
Curieusement, les scientifiques viennent de faire une autre découverte qui rendrait possible la téléportation d’un point à un autre de l’Univers (cf. Science & Vie 1161 de juin 2014). Or, cette découverte a un lien direct avec le lien EPR. En effet, c’est en cherchant à unifier les lois de la physique entre la théorie quantique et la relativité générale (encore Einstein...) que différents scientifiques ont élaboré une relation mathématique révolutionnaire : EP=EPR. EP signifie "pont Einstein-Podolsky" : Einstein et son collègue avaient calculé, comme une conséquence de la relativité générale, que des masses très importantes comme les trous noirs pouvaient inverser la courbe de l’espace-temps et créer un "trou de ver" qui relierait entre eux deux trous noirs. Cette théorie existait avant la découverte des trous noirs [6]. Or, le pont EP entre deux trous noirs se comporte de la même manière
que l’intrication quantique entre deux particules, le fameux lien EPR.
La réciproque est également vraie : deux trous noirs se comportent comme deux particules intriquées, c’est-à-dire que la relativité générale pourrait permettre de résoudre mathématiquement les équations très complexes de la physique quantique. Or, plus le nombre de particules serait nombreux, plus l’équation devrait simple. Autrement dit, il deviendrait plus simple de déplacement un corps humain qu’un atome seul.
Selon Andreas Karch, de l’Université de Wahsington, à Seattle [7] :
On pourrait décrire des systèmes hors de portée car plus le système quantique est complexe, plus la description du trou de ver se simplifie.
Les physiciens qui étudient la physique quantique n’étant pas les mêmes que ceux qui étudient les trous noirs, il ne nous semble pas avoir lu nul part qu’un rapprochement était opéré entre ces deux découvertes, qui résonnent pourtant entre elles comme une coïncidence [8].
Concrètement, comment cela pourrait-il fonctionner ? Une porte capable de créer une intrication quantique entre différentes particules est créée sur une planète A, une autre sur une planète B, un à la manière des "portes des étoiles" du film et de la série Stargate. Au lieu de calculer l’état quantique des milliards d’atomes constituées par le corps humain pour le reproduire de l’autre côté, il suffirait de faire appel aux méthodes de calcul de la relativité générale. Contrairement aux films de science-fiction, les voyageurs ne verraient pas le trou de verre ainsi créé, ils seraient "téléportés" instantanément de l’autre côté. D’un certain point de vue, toutes les particules de leur corps seraient annihilées dans un mini-trou noir pour être dupliquées de l’autre côté. D’un autre point de vue, l’individu serait téléporté.
Pour autant, le système demande encore à être testé sur de grandes distances. En effet, l’égalité EP=EPR a été simulée dans un modèle d’univers simplifié, dans lequel la masse n’existe pas ou plutôt : un univers dans lequel la masse des particules seraient une propriété émergente de la gravité, une simple information. Cela rejoint nombre de recherches actuelles de la physique fondamentale : la théorie des cordes, qui est une théorie unificatrice de la physique, la chasse au neutrinos et la quête du boson de Higgs dont le LHC de Genève semble avoir récemment découvert la trace [9].
Deux possibilités : ou bien les particules sont "informées" de leur masse, et dans ce cas la téléportation quantique devient possible, ou bien la masse dépend de l’énergie contenue dans les particules (cf. E=MC2), et dans ce cas la téléportation quantique sur de grandes distances devra tenir compte de la relativité générale. En clair, cela signifie qu’un mauvais réglage risquera d’envoyer le voyageur sur une autre planète, en plein vide spatial, mais aussi à une époque dans le futur ou dans le passé...
Dès lors, le voyage dans le temps deviendrait possible.
On le voit, l’expérience de téléportation quantique et la découverte de l’égalité EP=EPR promet téléportation, unification des lois de la physique et voyage dans le temps [10].
Evidemment, comme dans toute science, les scientifiques doivent continuer leurs expériences sur la téléportation quantique, finir d’étoffer l’équation EP=EPR et trouver un moyen de la valider ou de l’invalider.
Si tout cela devait se confirmer par des applications concrètes, les ordinateurs quantiques démultiplieraient la puissance des ordinateurs, les communications des Etats ou des entreprises seraient entièrement sécurisées, les voyages vers la Lune ou vers Mars s’en trouveraient facilités, etc. On pourrait rassembler ces inventions sous l’appellation des Nouvelles Technologies de la Physique Quantique (ou NTPQ), aussi importantes que les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (les NTIC, plus communément appelées TIC ou Tiçes).
En supposant, comme tout nous le laisse penser, que d’autres planètes ailleurs dans l’Univers ont peu abriter la vie, et que d’autres formes d’intelligence sont apparues sur d’autres planètes, rien n’interdit ces dites espèces d’avoir déjà utilisé cette technologie pour voyager dans l’Univers, en utilisant les trous noirs pour passer d’un point à un autre, ou d’avoir réussi à maîtriser le voyage dans le temps [11].
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Le monde est étrange, vous ne trouvez pas ?