Histoire de l’Algébre

vendredi 28 février 2014
par  syagrius
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Les savants arabes et le système de numération indienne Au-delà de la légende, divers témoignages confirment cette arrivée des sciences et des chiffres indiens à Bagdad vers la seconde moitié du 18e siècle.

L’astronome Al-Husayn Ben Muhammad Ben Hamid, plus connu sous le nom d’Ibn al-Adami (vers 900), rapporte dans sa Grande Table, intitulée Collier de perles :

"Qu’il se présenta devant le calife Al-Mansur, dans l’année cent cinquante-six [de l’Hégire, soit 776 de notre ère], un personnage venu de l’Inde, très versé dans le calcul et qui possédait un ouvrage où tout son savoir était consigné ( … ) Le calife Al-Mansûr ordonna que cette œuvre fût traduite en arabe, afin d’aider les musulmans à acquérir une connaissance exacte des étoiles, et que l’on composât, d’après cette traduction, un ouvrage que les Arabes pussent prendre pour base de leurs calculs sur les mouvements des planètes."

Les savants indiens arrivés à Bagdad aux environs de 773 ou 776 avaient donc très probablement rapporté des Indes, parmi les ouvrages sanskrits offerts au calife et à sa suite, le traité astronomique du Brahmasphutasiddhânta, "système révisé de Brahma" écrit par Brahmagupta en 628 alors qu’il n’était âgé que de trente ans.

Les brahmanes, venus à Bagdad en dignes représentants de la civilisation indienne, présentèrent au calife le Brahmasphutasiddhânta et le Khandakhâdya de Brahmagupta, qui contenaient non seulement la méthode des siddhânta (traités d’astronomie), mais aussi le principe de la numération décimale de position, le zéro, les méthodes de calcul, ainsi que les fondements de l’algèbre indienne.

Dans sa Chronologie des savants ( Tarikh al huqama), Abu’l Hassan al-Qifti exprime son admiration pour cette science indienne nouvellement enseignée : "Parmi ce qui nous est parvenu des sciences indiennes, il faut mentionner aussi le traité de calcul numérique reproduit sous une forme plus développée par Abu Jaf’ar Muhammad ibn Musa al-Khuwarizmi ; c’est la méthode de calcul la plus riche et la plus rapide, la plus facile à saisir et la plus aisée à apprendre, elle atteste chez les Indiens un esprit pénétrant, un beau talent de création et la supériorité de discernement et de génie inventif."

 Al-Khuwarizm

Le témoignage cité souligne l’importance d’un des plus fameux mathématiciens de la civilisation arabo-islamique : Al-Khuwarizmi, né en 783 à Khiva dans le Kharezm (Perse) et mort à Bagdad vers 850.

Nous savons peu de choses sur sa vie, si ce n’est qu’il vécut à la cour du calife abbasside Al-Ma’mun, peu de temps après l’époque où Charlemagne fut nommé empereur de l’Occident, et qu’il fut l’un des membres les plus importants d’un groupe de mathématiciens et d’astronomes qui travaillèrent à la Maison de la Sagesse, l’académie scientifique de Bagdad évoquée dans le précédent chapitre.

 Naissance du mot algèbre

Ce savant est demeuré fort célèbre pour deux ouvrages qui ont largement contribué à faire connaître et à vulgariser les chiffres indiens et les méthodes de calcul ainsi que les procédés algébriques d’origine indienne, aussi bien dans le monde musulman qu’en Occident chrétien. Intitulé Al-jabr wa’l muqâbala (Transposition et réduction), l’un de ces ouvrages était consacré aux procédés fondamentaux de la science algébrique. Il nous est connu dans sa version arabe, ainsi que dans une traduction latine qu’en a donnée Gérard de Crémone au Moyen Âge sous le titre de Liber Maumeti filii Moysi Alchoarismi de algebra et almuchabala.

Ce livre fut extrêmement célèbre en son temps, au point qu’on lui doit le nom même, aujourd’hui adopté universellement, de cette branche mathématique fondamentale que l’on appelle !’"algèbre". Son titre- Al-jabr … -débute par un mot arabe qui désigne l’une des deux opérations préliminaires qu’il faut effectuer avant la résolution de toute équation algébrique. Le mot al-muqabala désigne l’opération consistant à réduire tous les termes semblables d’une équation.

Le mot al-jabr, lui, se rapporte à l’opération qui consiste à faire passer les termes de l’équation d’un membre à l’autre (de manière à n’avoir que des termes positifs des deux côtés de l’égalité) ; comprimé par la suite en aljabr, ce dernier terme sera traduit en latin par algebra, qui donnera lui-même naissance à notre mot "algèbre’ :

 Point de vue étymologie

Le mot al-jabr désigne le médecin qui remet les os en place, le "rebouteux". Il est intéressant de noter que, dans le texte biblique, Jacob devient boiteux après le célèbre épisode connu sous le nom de "Combat de Jacob avec l’ange", et que cette boiterie n’est pas réparée. Cette non-algébraïsation de Jacob nous invite à réfléchir sur le lien qui existe entre les mythes bibliques (et leur interprétation) et la naissance (et l’évolution) des mathématiques.

 Livre de l’addition et soustraction

Livre de l’addition et de la soustraction d’après le calcul des Indiens Un des autres ouvrages d’Al-Khuwarizmi portait le titre arabe de Kitab aljami’wa’l tafriq bihisab al hind (Livre de l’addition et de la soustraction d’après le calcul des Indiens). L’original est perdu, mais il reste plusieurs traductions latines réalisées à partir du XII’ siècle.

C’est le premier livre arabe connu où la numération décimale de position et les méthodes de calcul d’origine indienne font l’objet d’explications détaillées, appuyées d’exemples très nombreux.

Comme le premier ouvrage cité, il jouira plus tard dans les pays d’Europe occidentale d’une telle renommée que le noin même de son auteur finira par devenir la désignation générique du système.

 Algorithme

Le nom d’Al-Khuwarizmi deviendra d’abord Alchoarismi, puis il se transformera en Algorismi, Algorismus, Algorisme, et enfin Algorithme. Ce nom désignera d’abord le système constitué du zéro, des neuf chiffres et des méthodes de calcul d’origine indienne, avant même d’acquérir l’acception plus large et plus abstraite que nous lui connaissons aujourd’hui.

Sans le savoir, Al-Khuwarizmi a donc ainsi donné le nom de l’un de ses ouvrages à une branche fondamentale des mathématiques actuelles et son propre nom à la science dite algorithmique, qui est aujourd’hui à la base même de l’une des principales activités théoriques et pratiques des ordinateurs. Le mot "algorithme" possède un sens courant qu’il ne faut pas ignorer. C’est la démarche à suivre pour résoudre un problème, mathématique ou autre. D’ailleurs n’y a t il pas un lien avec la découverte mathématique dans le Coran


2 votes

Commentaires

mercredi 19 novembre 2014 à 17h05

Bonjour, dans l’introduction, il est question du 18è siècle alors que le reste indique le 8è siècle.

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samedi 29 mars 2014 à 20h07 - par  remadi

Bonjour Neimad

( qui nous amènent à nous poser des ques­tions, comme un enquêteur le ferait.)

Oui c’est bien dit juste

rem : le coran se n’est le livre mais dans le livre

Merci

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mardi 4 mars 2014 à 01h18 - par  Neimad

L’organisation des sourates dans le Coran étant d’origine mathématique, comme l’ont montré les articles sur le Coran du même auteur, et cette organisation datant probablement du 9e siècle après JC [1], donc APRES le travail de ces mathématiciens, peut-on dire que le Coran tire son organisation des travaux des mathématiciens arabes, et en particulier de ceux de Al-​​Khuwarizmi [2] ?

Ou mieux, peut-on dire que l’’organisation mathématique des sourates a été rendue possible grâce aux machines à calculer élaborés - ou transmis - par les Indiens ? Si l’origine de cette organisation était d’origine indienne (et donc païenne), cela expliquerait mieux pourquoi celle-ci est restée cachée. Cela n’enlève rien à la beauté du résultat. Comment ceux-ci sont-ils arrivés à un tel niveau de complexité, avec les moyens matériels dont ils disposaient alors ? Avaient-ils réussi à faire usage des qualités exceptionnelles de certains autistes [3] ?

Un autre article sur les outils mathématiques utilisés par les Indiens serait nécessaire pour creuser la question…

A noter que la Maison de la Sagesse où travaillaient les mathématiciens arabes visait également à traduire les textes grecs (Thalès, Pythagore, Archimède…), en particulier alexandrins (Ptolémée…). C’est même grâce à leurs traductions et commentaires que les textes grecs ont pu être redécouverts au Moyen Age et à la Renaissance. Les savants arabes bénéficiaient des connaissances (pas seulement mathématiques) des Grecs, qui avaient eux-mêmes hérités des Babyloniens et des Egyptiens [4].

Ainsi, ce n’est pas seulement au niveau de l’Inde qui faudrait chercher l’origine des connaissances mathématiques des savants arabes (et celle de l’organisation des sourates), mais aussi en Mésopotamie et en Egypte, qui sont les civilisations les plus anciennes.

Comme les Grecs avant eux, les Arabes ont réussi à récupérer avec humilité les connaissances des autres peuples, à les comprendre, à la synthétiser et à les développer. Il est possible qu’une partie de ces connaissances aient été occultées par l’Histoire et que certaines d’entre elles, qui n’étaient pas comprises de toutes, aient été simplement transmises et rarement utilisées. La vision que nous aurions du niveau de connaissances scientifiques de nos ancêtres serait limitée à la connaissance "exotérique", à celle qui peut être facilement divulguée, à celle qui a laissé une trace écrite.

Simple affabulation ? Certains objets (les Américains parlent d’artefacts), comme la machine d’Anticythère, ou certains monuments, comme les pyramides d’Egypte, ou certains groupes de monuments (en Egypte, en Grèce, mais aussi en France…) posent des problèmes insolubles aux chercheurs, car ils essaient d’imaginer comment de pareils objets ou monuments pouvaient être construits avec le niveau de connaissances qu’ils leur prêtent (la machine d’Anticythère serait une invention géniale mais unique, les constructeurs des pyramides ne connaissaient pas pi mais une approximation, etc.).

D’une certaine façon, on peut ranger l’organisation mathématique du Coran parmi les "artefacts" qui montrent que les Anciens au sens large (les Arabes, les Grecs, les Babyloniens, les Indiens, les Egyptiens), ou en tout cas certains d’entre eux, dans certains milieux, en savaient plus qu’on ne pense sur les mathématiques et sans doute d’autres domaines comme l’astronomie (mais aussi sur le fonctionnement du corps humain, si on pense à l’acupuncture, au yoga, etc.).

Tout cela reste évidemment à vérifier et à travailler. Il ne s’agit pas d’une vérité démontrée mais seulement d’indices, qui nous amènent à nous poser des questions, comme un enquêteur le ferait.

Projet 22 n’a pas d’autre prétention.

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