Après l’assassinat de quatre dessinateurs historiques, de six autres membres de la rédaction de Charlie Hebdo et de deux policiers (dont un policier arabe), ainsi que de nombreux blessés, on a vit se produire des réactions en chaîne en France, parmi les francophones de l’étranger et dans tous les pays sensibles à la question du terrorisme, qu’il s’agisse des rassemblements sur les places publiques (comme pour les manifestations en Grèce) ou des professions de foi (et parfois de haine) sur Twitter et sur Facebook. De nombreux Internautes ont d’ailleurs remplacé leur photo de profil par "Je suis Charlie" et parfois par la double affirmation "Je suis policier" et "Je suis Charlie". Les réseaux utilisent les terme de "monstre", de "barbarie", en l’opposant à la civilisation comme dans le discours de Sarkozy. Les Anonymous également parlent de vengeance, de bloquer les sites et les comptes Twitter des intégristes...
Tout en soutenant ces mouvements d’union nationale, constatons la multiplication des propos de haine que nous constatons sur les réseaux sociaux, avec le risque d’une dérive policière, le masque du policier ("Je suis policier") remplaçant celui des Anonymous...
Le visionnage en boucle de l’attentat a produit sur la population française la même chose que l’attaque des tours jumelles le 11 septembre 2001. En passant et repassant les vidéos, en revenant sur les victimes et leurs visages, en écoutant les témoins parler avec des larmes dans leurs yeux, nous sommes dans l’émotion et l’émotion court-circuite la réflexion.
Nous avons été étonné d’entendre un philosophe utiliser le terme de "barbarie", alors que la philosophie nous apprend justement que le terme "barbarie" provient d’une onomatopée "bababa" que les Grecs utilisaient pour désigner les langues qu’ils ne comprenaient pas. On est toujours le barbare d’un autre. En les désignant comme des monstres, comme des personnes qui ont perdu leur statut d’humains, on joue un jeu dangereux car on ouvre la fois à la violence et aux pogroms. Il n’y a pas d’infra-humains, il n’y a que des hommes qui font des actes inhumains. Il n’y a pas de monstres, il n’y a que des hommes qui font des actes monstrueux. Hitler aussi était un homme, quoiqu’on en dise. Les nazis avaient une femme, des enfants. Ces meurtriers aussi ont eu une enfance, une mère, une famille. Que c’est-il passé, alors ? Français d’origine immigrés, ils ont probablement été entraîné pour faire la guerre en Syrie, puis leur cible a changé : ils se sont retournés contre le pays qui les avait élevés, contre la liberté d’expression, contre des personnes sans défense, contre des caricaturistes célèbres et aimés des Français, contre la République elle-même...
Coïncidence : le dernier dessin de Charb...
Tout le monde n’est pas dupe. Certains sentent que cet attentat fera le jeu de Marine Lepen qui parlait déjà de rétablir la peine de mort sur France 2. Certains accusent les arabes de n’être pas suffisamment présents dans les rassemblements, alors que ceux qui sont interrogés craignent d’être pris à partie... D’autres s’étonnent de voir qu’on accuse un SDF d’avoir participé à l’opération (c’est connu, les SDF sont dangereux...) et que les policiers retrouvent la carte d’identité d’un des tueurs dans la voiture (une beau coup de chance !). Sans céder à la paranoïa, disons que les deux meurtriers n’étaient pas si préparés qu’on veut bien le dire : le jour de l’attentat, ils s’étaient arrêtés au numéro 6 de la rue au lieu du 10. On peut supposer qu’ils n’avaient pas repérés les lieux, mais qu’ils avaient simplement su grâce à une tiers personne que les membres du journal satirique se réunissaient tous les mercredi. En soi, cela ne demande pas une organisation particulière. Par contre, les soldats savaient manipuler leurs armes et ont abattu un policier de sang froid...
Il est heureux de constater le collectif réagir dans une société que l’on dit individualiste. On retrouve ici une forme d’humanisme, réduite à l’humain (sans idéologie). Peut-être une expression de l’ère du Verseau ? On voit aussi à quelle vitesse Internet relaie l’information. Les réactions se font "épidermiques", dans l’instant. Mais dureront-elles ? Sûrement, car la chose est grave et elle aura des conséquences, même si l’arrestation rapide de ces hommes peut réduire la psychose qui menace de s’installer.
Non, Charlie Hebdo n’est pas mort, il continuera à paraître avec ceux qui restent, et nous serons solidaires avec lui, nous défendrons les caricatures de Mahommet, même si nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec tout ce qui se dit : au nom de la liberté d’expression, au nom de la laïcité aussi. Comme le disait Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman : "Si on n’est pas d’accord, il faut combattre l’art par l’art". La violence n’est pas une réponse. C’est pourtant celle-ci qu’on entend dans la bouches de nombreuses personnes qui parlent de "vengeance", de "représailles" et de "peine de mort". Ne nous abaissons pas à leur niveau. Vous qui défendez Charlie, retrouvez l’esprit de Charlie et ses nombreux dessins contre la violence (violence des intégristes de tout bord, violences de la police, violences des militaires, violences multinationales et des puissants en général....).
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Ce monde est à nous, changeons-le !