La révolution progresse

mardi 22 février 2011

Hier, 21 février, cinq soldats lybiens ont été retrouvés brûlés dans la caserne militaire de Al-Foudheil Bou Omar, à Benghaz, en Lybie. Ils avaient refusé de tirer sur la population lorsque la foule avait pris le bâtiment, porteur du même symbole que la Bastille lors de la Révolution française.

Ce fait divers n’est qu’un exemple parmi d’autres de la violence et de l’espoir qui agitent les pays arabes depuis plusieurs semaines. Comment tout cela a commencé ?

Au terme des manifestations de décembre et de janvier 2011, le président Ben Ali prend la fuite le 14 janvier 2011. Ce sera ensuite au tour du président égyptien de démissionner. La révolte gronde aussi en Alégérie, en Libye, au Yemen et à Bahreïn. Les manifestations sont réprimées avec violence, provoquant plusieurs morts. Les médias sont surveillés. Mais la révolte continue. Car la Tunisie a montré que la révolution était possible.

Le 14 janvier 2011 marque le début d’une série de révoltes et de révolutions dans le monde arabe, la première révolution du 21e siècle, la révolution du Jasmin, en référence à la révolution des Oeillets qui avait permis à une poignée de militaires d’extrême-gauche de renverser la dictature salazariste au Portugal en 1974.

La révolution, avec son lot de violences et de pillages, est aussi le juste retour du pouvoir au peuple, le retour à la démocratie, comme le prouve la mise en place d’élections anticipées. Car le président tunisien ou égyptien, avec son clientélisme, son réseau d’influences, n’agissait pas pour le peuple dans son ensemble, mais pour une minorité de privilégiés.

Dans son Discours sur la servitude volontaire, La Boétie cherche à comprendre pourquoi les hommes préfèrent la servitude à la révolte, alors même qu’ils sont en position de force. Parce que la liberté est un poids lourd à porter, répondent Sartre et Camus. La liberté comporte des choix, des doutes, des responsabilités et des incertitudes. Il est plus rassurant de se fier aux hiérarchies en place. Il est plus simple de s’adapter au monde dans lequel on a toujours vécu, aussi injuste soit-il, que de s’adapter à un monde que l’on ne connaît pas, celui de demain…

Les peuples arabes se sont soulevés dans un mélange d’espoir et de colère, car la colère du "Moubarak dégage" protège de la peur, qui est le fardeau des peuples libres. N’ayons pas peur et faisons-leur confiance. Ce sont eux à présent les maîtres et ils ne laisseront pas de nouveaux maîtres - les islamistes radicaux - prendre le pouvoir.

Cet espoir pour les peuples arabes, c’est aussi échec pour la real-politik française ou américaine, pour laquelle il est toujours préférable de traiter avec les dictateurs en place, plutôt que de porter bien haut le flambeau des droits de l’homme. Rappelons notamment le silence de la France face à l’annexion du Tibet et l’emprisonnement de journalistes et d’opposants en Chine. Sans même parler de la Francafrique…

Mais le plus choquant, dans cet histoire, n’est-ce pas que l’ex-président tunisien et l’ex-président égyptien possédaient une fortune personnelle estimée plusieurs milliards de dollars (les chiffres varient de 5 à 50 milliards selon les sources) ? Les pays arabes sont maintenus artificiellement dans la pauvreté, alors qu’ils pourraient bénéficier d’investissements importants dans l’éducation, la santé, les routes… Imaginez un instant un milliardaire qui viendrait s’installer en France et commencerait à investir sa fortune… Imaginez une politique de grands travaux qui aurait pour effet de résorber le chômage et de redynamiser l’économie, un autre New Deal !

Prenons un dernier exemple, celui de l’Algérie. Beaucoup d’Algériens souhaitent s’expatrier en France parce qu’ils espèrent pour eux et leur famille une vie meilleure. Parce qu’ils croient leur pays pauvre. Mais l’Algérie récupère 40 milliards de dollars par an avec la seule manne pétrolière. Cet argent n’a jamais été distribué équitablement au peuple algérien.

D’ailleurs, le 17 janvier 2010, le ministre algérien de l’Energie et des Mines Chakib Khel est pour la deuxième fois éclaboussé dans une affaire de malversations avec le groupe pérolier Sonatrach. Un signe des temps ?




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