La "règle d’or" votée à l’Assemblée

jeudi 11 octobre 2012

La "règle d’or" du Pacte budgétaire européen vient d’être voté à 490 voix contre 24 à l’Assemblée nationale, après avoir obtenu l’accord du Conseil constitutionnel. Elle doit encore être votée par le Sénat. Celui-ci étant à dominante socialiste, comme le gouvernement, le texte est pour ainsi dire déjà voté.

La France, comme les autres pays signataires de l’Union européenne, ne devront pas dépasser un déficit public supérieur à 0,5% du PIB, sous peine d’une amende proportionnée à la richesse du pays, soit environ 1 milliard pour la France.

Ce Pacte ou ce Mécanisme effectue donc une surenchère par rapport aux 3% de déficit public imposé par l’article 121 du traité instituant la Communauté européenne. Il s’agissait en réalité d’un critère de convergence pour les pays de l’UE, avec un objectif pour 2013. En outre, la dette des pays ne devait pas dépasser 60% du PIB, ce qui n’a jamais été réalisé.

Les partisans expliquent que l’Europe n’a pas le choix si elle veut redonner confiance aux marchés financiers et ne pas alourdir le poids de la dette pour les générations futures. L’Allemagne sert d’exemple et la Grèce de contre-exemple.

Le Pacte budgétaire européen prévoit en contrepartie un mécanisme pour alléger la dette des pays les plus endettés de l’Union européenne, en procédant au rachat d’une partie de la dette (voir notre article).

Les détracteurs critiquent la perte de souveraineté et le manque de marges de manoeuvre, puisque les Etats ne contrôlent ni le taux d’intérêt ni le taux de change de la monnaie (la Banque Centrale Européenne est indépendante), puisqu’ils sont obligés d’emprunter sur les marchés financiers (aux autres banques ou aux Etats), avec un taux d’intérêt qui gonfle mécaniquement la dette. Avec cette loi organique, la France perd également la capacité de s’endetter pour investir.


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Le résultat de cette politique économique est une politique de rigueur : plus d’impôts et moins de dépenses. Le gouvernement de M. Ayrault a déjà augmenté le budget de l’Etat de 60 milliards (dont 40 milliards iront au remboursement des seuls intérêts de la dette), il sera plus élevé encore l’année prochaine. Le budget de l’Etat diminue également, sauf dans l’Education, l’Intérieur (la police et la gendarmerie) et la Justice, qui restent prioritaires. Si le gouvernement de droite avait été réélu, il aurait diminué l’ensemble des dépenses publiques : pas seulement le nombre de fonctionnaires, de magistrats et d’enseignants, mais également les dépenses de santé, les retraites, l’investissement dans la recherche, les aides pour les créateurs d’entreprise, etc., comme il avait commencé à le faire durant le quinquennat de M. Sarkozy.

Or, une politique de rigueur entraîne une baisse de la consommation. Si cela ne pose pas trop de problèmes pour nos voisins allemands, dont la croissance se base sur l’exportation, il en est toute autre pour la France, dont on sait le rôle joué par la consommation intérieure sur son économie. Par ailleurs, la majorité des contrats passés par les Etats européens sont intra-européens (y compris pour l’Allemagne), ce qui signifie qu’une politique de rigueur pour l’ensemble de la zone euro est un jeu perdant-perdant.

Il y a là un paradoxe : pour sortir l’Europe de la crise de la dette, on va mener une politique de rigueur qui augmentera la crise. Mais si on ne le fait pas, les pays de l’Union européenne seront sanctionnés par les marchés financiers (perte du triple A), les intérêts de la dette deviendront impossible à rembourser et les Etats seront en faillite. Dans les deux cas, l’Union européenne risque de devoir gérer la décroissance, c’est-à-dire un taux de croissance négatif. Certains écologistes voient ici l’occasion de changer de modèle économique…

Des économistes proposent une autre solution : financer une politique de relance pour les pays du nord et mener une politique de rigueur dans les pays du sud, afin que les pays du nord de l’Europe puisse acheter de la nourriture ou des objets construits en Grèce, en Espagne, au Portugal… à un moindre coût. A défaut de pouvoir diminuer la valeur de l’euro, la Commission européenne souhaite mettre en place une déflation de la monnaie par d’autres moyens, c’est-à-dire en baissant le coût du travail, c’est-à-dire les salaires. C’est déjà ce qui se passe quand l’évolution des salaires (ou du SMIC) ne suit pas le coût de l’inflation.

Le problème est que la solution proposée est la même pour l’ensemble des pays européens, malgré leurs différences. Par ailleurs, les prévisions de croissance sont plus faibles que prévues dans le budget de la nation : les coûts de l’énergie augmentent (pétrole, gaz, électricité), le prix des produits alimentaires également. Il est évident que certains pays ne parviendront pas à tenir un déficit de 0,5%. Le gouvernement français espère-t-il jouer sur les deux tableaux ? Redonner confiance aux marchés financiers dans un premier temps, puis renégocier le Pacte budgétaire européen avec l’ensemble des pays qui n’auront pas atteint cet objectif ?

La cure d’austérité risque également d’avoir des effets sur le résultat des urnes : les mécontents se tourneront-ils vers l’extrême-gauche ou vers l’extrême-droite ? L’histoire nous montre que les François voteront plutôt pour Mme Lepen. Quels seront les bouc-émissaires de la crise ? Les étrangers, les chômeurs, les banques, l’Union européenne ?

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Ce monde est à nous, changeons-le !




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